Lillian

Un film de David Williams

Etats-Unis - 1993 - couleur - 82 min.

Sortie en salles : 21 août 2002

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Vue intime, mais toujours discrète et pudique, de la vie d’une femme noire d’une cinquantaine d’années, qui accueille chez elle sa petite-fille, d’autres jeunes enfants et trois personnes âgées. Une vision pleine d’humour et de justesse.

Special Jury Award for Distinction au festival de Sundance

lilian thirteen

À propos du film

Le film est basé sur l’histoire de l’actrice principale, Lillian Folley, en laquelle David Williams a trouvé quelque chose d’unique qui lui a donné l’envie de développer un film autour de sa personnalité. C’est le portrait d’une femme noire d’une cinquantaine d’années, qui accueille chez elle sa petite-fille, d’autres jeunes enfants et trois personnes âgées. Le film nous présente une vue intime, mais toujours discrète et pudique, de la vie de cette femme. Une vision pleine d’humour et de justesse.

Lillian passe sa journée à résoudre les problèmes des autres. Elle explique aux enfants comment jouer, parle avec un courtier de l’assurance vie de sa petite fille, insiste auprès de la fille d’une dame souffrante qu’elle garde pour qu’elle vienne la voir, discute avec les travailleurs sociaux qui lui amènent des enfants à élever, se dispute avec sa fille à propos de l’éducation de sa petite fille… Le film est l’illustration du dévouement extrême de cette femme qui consacre tout son temps aux autres, qui ne s’arrête jamais. Debout avant tout le monde, elle se couche après tout le monde, s’occupe des repas, de la lessive, baigne et habille les personnes qu’elle a à charge et qu’elle considère comme sa ‘propre famille’.

Lillian est une mère nourricière, une femme d’affaire. Elle ne se laisse jamais abattre, décourager. C’est une femme d’exception, elle est franche, directe, profondément attachée à la vérité. C’est un amour total pour autrui qui la pousse à s’occuper d’adultes qui sont pour elle de parfaits étrangers, à élever des enfants qui ne sont pas les siens. Là où beaucoup ne font que parler d’accomplissement personnel dans un monde dominé par l’argent, Lillian relève le défi la tête haute, avec plus de patience que la plupart n’en pourrait avoir. Et c’est l’amour que l’on ressent dans les moindres recoins de cette maison. Chaque souffle, Lillian le donne à un autre.

Lillian / Lillian Folley
Nina / Wilhamenia Dickens
Ricky / Ricky Green
Franck / Steve Perez
Maria / Danita Rountree-Green

David Williams

La carrière de David Williams en tant qu’artiste a débuté il y a plus de 30 ans. Il faisait alors des peintures à l’huile et à l’acrylique. Le Virginia Museum, le Chrysler Museum, La Gallery of Contemporary Art de Winston-Salem, et d’autres galeries et universités ont exposé ses oeuvres. David Williams continue aujourd’hui encore ses explorations picturales.

Son intérêt pour la représentation de la réalité dans ses différentes facettes l’a conduit à la photographie qu’il pratique depuis un peu plus de 25 ans, puis au cinéma. Un de ses premiers films a été fait à partir de photos.

Depuis ses débuts cinématographiques en 1976, David Williams a réalisé 15 courts métrages. Tous sont des projets personnels qu’il a conçus, écrits, filmés, montés et produits. Ces films ont été montrés dans de nombreux festivals aux Etats-Unis où ils ont souvent été primés.

Les sept premiers films 16mm de David Williams, d’une durée allant de 11 minutes à 1 heure, étaient assez traditionnels dans leur concept et leur structure. Mais dans ces premières tentatives déjà, Williams abordait les thèmes qui le préoccupent toujours: le portrait intime, l’exploration des idées de race et de culture, l’isolement de l’individu, et la présentation de l’état psychologique d’une personne par des moyens cinématographiques.

David Williams a réalisé ensuite cinq films expérimentaux beaucoup plus originaux, commençant à se libérer des contraintes de la narration. Même si ces films racontent des histoires, elles sont sublimées par des préoccupations poétiques. Il n’y a pour ainsi dire pas de dialogues dans ces films.

Les trois films suivants mèneront à Lillian. David Williams préfère la spontanéité et la fraîcheur des acteurs non professionnels au jeu prévisible des comédiens chevronnés. Il utilise également le cadre de vie réel des gens, ce qui renforce l’authenticité. Les acteurs, noirs pour la plupart, souvent de la même famille et utilisant leur propre nom, jouent leur rôle avec une concentration et une sincérité qui donnent une tonalité poétique à ses films. Dans Thirteen, Lillian est la mère de Nina, alors qu’elle était sa grand-mère dans Lillian. En fait, dans la vie réelle, Nina est la fille adoptive de Lillian.

Williams travaille à partir d’idées thématiques vaguement discutées, d’improvisation, de scènes non structurées, et de construction créative au moment de la post-production. C’est une méthode qu’il a développée dans ses cinq derniers films. Quand des thèmes ou des scènes prennent forme, de nouvelles possibilités apparaissent et la structure du film commence à se dessiner. Une partie de l’exploration implique le fait de filmer des idées puis de voir comment elles fonctionnent. L’équipe de tournage se compose de deux ou trois personnes, qui apparaissent également à l’écran.

Cet aspect expérimental et poétique est aujourd’hui un élément distinctif de l’oeuvre de David Williams. Ainsi, le critique américain George Lellis écrit-il à propos de Lillian: ‘Ce film est une anomalie dans le cinéma américain. Il comble un vide entre le narratif et le non-narratif, entre le documentaire et la fiction, entre la déclaration spontanée d’admiration et l’exercice de style austère et réfléchi.’

La première projection de Lillian, son premier long métrage qu’il a fini fin 1992, a eu lieu à Sundance où il a été primé. Il a été sélectionné dans de nombreux festivals internationaux et The Hollywood Reporter l’a classé numéro 7 dans sa liste des 10 meilleurs films de 1993. Fait assez exceptionnel, étant donné que les 9 autres films sont de grosses productions (Le Fugitif, L’Age de l’innocence, Beaucoup de bruit pour rien, La Leçon de piano, La Liste de Schindler…).

Deux subventions ont été accordées à David Williams en 1995 pour sa proposition de continuer d’explorer les personnages de Lillian. C’est ainsi qu’a débuté la production de Thirteen. Les deux personnages principaux, qui sont les mêmes que dans Lillian, arrivent à une étape importante de leur vie. Le seul monde que Nina ait connu depuis treize ans est celui de Lillian, et elle commence à se définir dans un cadre social plus large. Quant à Lillian, qui était auparavant le pilier d’une grande famille, elle se retrouve dans une situation où son futur est confus, sa retraite incertaine. Les tensions et l’amour entre Lillian et Nina sont abordés à travers leur itinéraire personnel, les événements et personnages annexes permettent de définir plus précisément les mondes changeants de ces deux femmes.

On trouve dans le film un thème cher à David Williams, celui des diversités et des similitudes culturelles. Thirteen poursuit l’analyse des subtilités des interactions de race et de classe. Lillian est le sujet idéal pour l’exploration de ces thèmes elle est dans sa vie quotidienne en contact avec toutes sortes de gens. En plus, son caractère unique et son honnêteté font partie de ces interactions, et une représentation rafraîchissante, authentique voit le jour.

Le tournage de Thirteen a duré une année. Ce film est comme Lillian le résultat d’improvisations, d’expérimentations. Il n’y avait pas de scénario rigide. 80 acteurs professionnels et non professionnels ont joué dans le film. 130 bobines de film 16mm ont été tournées, 15 fois la durée du film. La structure souple du film nécessite cela. Le montage a duré une année. Le budget est d’environ US$ 100,000.

Filmographie:

1981: The Year of my Discontent (9 min)
1982: Shadows (5 min)
1983: Dreams in the Night (11 min)
1984: The Woman in the Window (11 min)
1985: The Last of Summer (14 min)
1987: Waving (3 min), Transitions (16 min)
1988: Nina Split in Two (26 min), Night Moves (14 min)
1993: Lillian (82 min)
1997: Thirteen (87 min)

Entretien avec David Williams

Comment avez-vous rencontré Lillian et Nina ?

Je connais Lillian depuis un peu plus de dix ans. J’ai toujours voulu faire un long métrage, et en faire un avec Lillian, entièrement tourné chez elle, était quelque chose que je pouvais faire facilement. Nina a été placée chez elle et tout le monde en tombait amoureux. Après quatre-cinq années, Lillian l’a adoptée.

Qu’est-ce qui vous faisait croire qu’elles pourraient être convaincantes dans un film ?

Je n’étais pas sûr à propos de Nina, mais je sentais que Lillian serait bien à cause de la façon qu’elle a de s’exprimer, et de n’être intimidée par rien. Son rapport à la vie est fascinant. Il y a une telle honnêteté chez elle… et cela se retrouve sur l’écran.

Elle ne se laisse jamais abattre. Ça me rappelle cette scène, dans Thirteen, quand un ami dit d’une peinture religieuse, que c’est une horreur. Et elle laisse la critique glisser.
C’est en fait sa peinture – elle s’en est depuis débarrassée. Je ne pensais pas, quand j’ai commencé le film, que la religion serait un thème si présent. Mais en tournant cette scène, je savais qu’il y avait là des réactions que je cherchais. Quand je l’ai montrée à des amis, ils m’ont dit de la couper, mais mon sentiment est que cette scène reflète bien ce que Lillian pense de la religion, et qu’elle vient bien en complément des autres scènes où il est question de religion. J’ai pensé que ça venait bien à propos. Et Lillian n’était pas du tout dérangée. Je lui ai demandé son avis sur certaines scènes, pour savoir ce qu’elle ressentait. C’était drôle de voir que des choses qui semblaient très anodines et au sujet desquelles je ne me serais jamais posé de questions, l’embêtaient. On ne peut jamais savoir… Quand j’ai montré le film à Lillian, elle faisait le même commentaire tous les quarts d’heure: “Pourquoi est-ce que je parle tant ?” Et la première chose que Nina m’ait dite a été: “Pourquoi mes cheveux sont-ils si moches ?”
Vous avez utilisé Lillian et Nina dans votre premier film. Pour quelle raison avez-vous retravaillé avec elles pour Thirteen ?

J’ai acquis beaucoup de confiance en travaillant avec elles sur Lillian. C’était donc normal que je me tourne vers elles à nouveau. Quand j’ai commencé, je n’avais que quelques idées générales sur ce que je voulais et je n’étais même pas sûr que Lillian serait dans le film. Ce n’est qu’après quelques semaines qu’elle a décidé de s’impliquer.

Quelle chance. Sa présence maternelle aide tellement à comprendre Nina.

C’est le moteur du film. La dynamique principale, c’est la relation entre la mère et la fille, comme dans Lillian d’ailleurs. J’espérais vraiment que quelque chose de semblable se produirait, mais je n’étais pas sûr au départ. Comme vous pouvez le voir dans le film, Nina est calme et introvertie, et je ne savais pas si elle parlerait beaucoup. Le voyage dans la montagne est une des premières séquences que j’aie tournées, et elle ne dit pas un mot. Je caressais même l’idée qu’elle n’aurait aucun dialogue, mais j’ai commencé à tourner des scènes où elle parlait, et elle s’en est très bien sortie. Ainsi, elle parle peu mais quand elle parle c’est en général plutôt intéressant.

Thirteen est centré sur Nina. Est-ce parce qu’il s’est avéré qu’elle était le personnage le plus intéressant au fil des improvisations, ou parce que vous aviez déjà exploré le personnage de Lillian dans Lillian?
En fait, je n’ai pas l’argent nécessaire pour faire un film de manière classique, je les construis donc en fonction de la disponibilité des personnes qui vont jouer dedans. Dans le premier film, tout se passe dans la maison de Lillian parce qu’il lui est difficile de la quitter à cause de ses responsabilités. En commençant Thirteen, j’ai pensé que Nina aurait plus de temps et que ce serait plus souple de travailler avec elle.

C’était donc simplement plus pratique d’utiliser Nina.

Oui. Nina avait treize ans, elle n’avait pas de travail. Elle était à l’école pendant la semaine et on avait beaucoup de temps pendant le week-end. Je fais les choses en fonction de ce qu’il m’est possible de faire. Mais je ne savais pas, au début, comment ça se passerait, si ça fonctionnerait.

Comment s’est passé le travail entre acteurs professionnels et non professionnels ?
Le fait d’improviser met tout le monde, d’une certaine manière, au même niveau. La technique acquise par un professionnel ne l’aide pas forcément à improviser. L’improvisation supprime ainsi de nombreuses barrières et ça donne, d’autre part, beaucoup de flexibilité. Les dialogues allaient parfois dans une direction non prévue, et je décidais de garder ça. C’est la beauté de ne pas être enfermé dans un scénario.

Vous êtes un blanc qui fait des films sur l’expérience noire. Voyez-vous vos films comme un commentaire sur la race ?

Je considère ces films comme des films sur des gens que je connais très bien, et j’espère que les idées que j’aborde dans mes films transcendent la notion de race. Ces questions apparaissent surtout dans Lillian, et une des raisons pour lesquelles j’ai fait Thirteen, justement, était de défier les stéréotypes sur les gens du Sud. En même temps, je pense qu’il s’agit de quelque chose d’idéaliste, tout n’est pas si harmonieux dans la vraie vie. Mais, pour ce qui est d’être un blanc racontant ces histoires, les gens m’ont parfois mené la vie dure.

Comment ça ?

Aux projections. Ça dépend des fois. A Berlin, il y a eu une projection de Thirteen dans une immense salle de 1000 places, avec un seul Noir dans toute l’assistance; il a adoré le film. Il habitait l’Allemagne depuis un bout de temps, et ça lui rappelait les gens qu’il connaissait en Caroline du Nord. Il était très positif, mais d’autres sont très négatifs et remettent en question mon droit de faire çes films. J’ai eu toutes sortes de réactions. Certaines personnes se fichent de l’aspect racial, d’autres ne veulent parler que de ça.

Que pensez-vous du numérique ?

Je m’y intéresse de très près. Avant, je considérais la qualité de l’image comme la clé. Tout le monde est tellement influencé par les films qui font des millions de dollars et qui sont tournés en 35mm. Je suis allé aussi loin que j’ai pu avec Lillian, tourné en super 16. Mais le coût du gonflage était tel que ça m’a pris plusieurs années pour payer les factures. Et on ne devient pas meilleur cinéaste à attendre de faire le prochain film. Le numérique est donc une bonne alternative. J’ai compris que je ne gagnerai pas des millions en faisant des films. Donc, même si je tourne en Super 8, du moment que je peux tourner plus souvent, ça ne me gênera pas tant que ça.

(extrait d’un entretien de Stephen Garrett, Time Out New-York)