Duel à Monte-Carlo del Norte
Un film de Bill Plympton
États-Unis - 2023 - couleur- 80 min - VOSTF Sélection Contrechamp au Festival d'Annecy 2023 Etrange Festival 2024
En salles le 5 novembre
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Synopsis :
Slide, un cowboy solitaire armé de sa seule guitare, arrive dans la ville forestière de Sourdough Creek, gangrénée par la corruption. Le maire et son frère jumeau y sèment la terreur et se préparent à raser un petit village de pêcheurs pour ériger Monte-Carlo del Norte, un lotissement de luxe qui servira aux besoins du tournage d’un film hollywoodien. Prêts à tout pour s’enrichir, ils n’auront aucun scrupule à mettre en danger l’équilibre de la communauté et de l’environnement et à tuer quiconque s’opposera à leur projet.
Lorsque Slide rencontre Delilah, c’est le coup de foudre. La jeune entraineuse du Lucky Buck Saloon aidera le nouvel arrivant à nettoyer la ville. Ils seront secondés par Hellbug, la bestiole géante des enfers. Bill Plympton, dont l’imagination n’est une fois de plus pas en reste, nous entraîne ainsi dans une lutte sans merci où tous les coups sont permis.
“Méchants patibulaires, justicier solitaire, saloon et putes au grand cœur, ne serait-on pas chez Clint Eastwood? Erreur, voici le dernier long-métrage de l’indomptable Bill Plympton, sept ans après La vengeresse, qui s’empare du western pour en faire le tourbillon d’impertinence et d’imagination dont il a le secret avec des chansons, des monstres gentils et des filles sexy. Et si ce héros combattant le mal avec ses notes de guitare, c’était Bill lui-même ?” L’Étrange Festival
Bill Plympton par Lucie Mérijeau (enseignante en écoles d'animation et autrice)
Peu connu du grand public, Bill Plympton est pourtant l’une des figures emblématiques de l’animation indépendante mondiale. Son cinéma, destiné à un public adulte, occupe une place unique et indéboulonnable depuis plus de quarante ans.
Né en 1946, Bill Plympton grandit dans l’Oregon, en rêvant devant les dessins animés du studio Disney. Il comprend très tôt, en dessinant par exemple dans le journal de son lycée, que son coup de crayon et son esprit acéré seront sa force de frappe. A 18 ans, il obtient son premier salaire en illustrant les pages jaunes d’une compagnie téléphonique locale. Tout est bon pour s’exercer et faire connaître son trait. Après avoir réussi à éviter de partir pour le Vietnam, il atterrit à New York en 1968 – dont il n’est jamais reparti depuis. Assoiffé de culture, il s’abreuve d’expositions et de projections de films indépendants, découvrant par exemple le comique grotesque de Fellini. Il devient illustrateur pour la presse, réalisant des dessins érotiques pour des magazines masculins (Screw, Penthouse), des croquis satiriques et de très courtes bandes dessinées dans des revues humoristiques ou tournées vers la pop culture (National Lampoon, Rolling Stone). L’exercice de la caricature lui permet de trouver son style visuel et narratif, que l’on retrouve dans ses films. Plympton s’inscrit dans une longue tradition artistique, puisque de nombreux pionniers du cinéma d’animation, Winsor McCay, Emile Cohl ou plus tard Max Fleischer, sont venus du dessin de presse.
Bill Plympton n’a pas encore réalisé son rêve d’enfant de devenir animateur. Lui l’autodidacte, il observe au début des années 1980 que de jeunes diplômés de l’école CalArts, Tim Burton ou John Lasseter, se lancent au sein du studio Disney et déployent leurs ailes. Il comprend qu’il n’a pas de temps à perdre s’il veut en être et accepte de réaliser un court métrage antimilitariste, Boomtown (1985). Il présente le film au Festival international du Film d’Animation d’Annecy la même année et décide, devant tant d’émulation artistique et le sentiment d’être entouré de ses pairs, qu’il reviendra avec un film personnel. La première consécration ne tarde pas, quand le film qu’il a financé et animé entièrement seul, Your Face, est sélectionné au Festival de Cannes dans la compétition des courts métrages en 1987 et est nommé à l’Oscar du meilleur court métrage d’animation en 1988. Your Face est le plan fixe, long de trois minutes, du visage d’un homme qui se déforme de manière surréaliste plusieurs dizaines de fois, sur une chanson jouée au ralenti. La fluidité de l’animation au crayon est bluffante, les métamorphoses plus barrées les unes que les autres. La scène finale (que l’on ne dévoilera pas ici) est absolument inattendue, à la manière du final du What’s Opera Doc? (1957). A quoi vous attendiez-vous ?, semble dire Plympton, comme Bugs Bunny dans le cartoon de Chuck Jones brisant le quatrième mur.
Son trait de crayon vibrant, ses animations complètes de personnages et son goût pour l’engendrement d’une forme dans une autre, deviennent la signature de Bill Plympton. Push Comes to Shove (1991) permet de se délecter d’un impeccable hommage rendu au cartoon de l’âge d’or hollywoodien, auquel il ajoute un souffle neuf – l’un après l’autre, deux hommes identiques s’infligent les coups les plus absurdes, comme leurs lointains cousins de la Warner, tout en restant stoïques là où Daffy ou Bugs Bunny sur réagissaient. Jusqu’à la pichenette finale qui voit la victime s’effondrer à gros bouillon, tandis que le tortionnaire se précipite pour le réconforter. Silly, isn’t it ?
Ses qualités d’animateur permettent alors à Bill Plympton de recevoir une proposition du studio Disney pour superviser l’animation du Génie dans Aladdin, un personnage au goût prononcé pour la transformation. Loin de céder aux sirènes du grand studio d’animation traditionnelle qui le faisait rêver gamin et qui connaît une véritable renaissance artistique, Plympton refuse l’offre à six chiffres qui lui est faite. Silly, isn’t it ? serait-on tenté de commenter. Mais plus que tout, ce que désire Plympton c’est garder le contrôle total sur ses idées – et cette indépendance farouche a un coût, qu’il assume avec endurance depuis quarante ans. Il a réalisé une cinquantaine de courts métrages, des clips et des publicités, et huit longs métrages, en les produisant lui-même – et étant la plupart du temps le seul animateur du projet. De l’image mentale à l’œuvre finale, il n’y a qu’un geste (ou presque), et c’est le sien.
Cette radicalité lui a permis de réaliser deux longs métrages mêlant le sexe et la violence, creusant un peu plus le sillon de l’animation pour adultes dans lequel il s’est engagé depuis les années 1980. Avec leur univers absurde fait d’histoires d’amour exubérantes et de métaphores affutées sur les hommes qui nous gouvernent, L’Impitoyable lune de miel ! (1997) et Les Mutants de l’espace (2001) assoient sa réputation de cinéaste indépendant, et reçoivent plusieurs prix dans des festivals dont celui d’Annecy.
Au même moment, les grands studios se lancent dans les films en images de synthèse destinés à un public familial (Toy Story date de 1995). Encore quelques années et l’animation dite traditionnelle ne sera plus produite à Hollywood. A l’inverse, Plympton persiste et signe, avec son crayon et sa feuille, repoussant les limites de l’animation en dehors de l’industrie. Ses films sont distribués en France et dans quelques pays d’Europe mais pas aux Etats-Unis. A chaque problème sa solution : il parcourt lui-même le pays et le monde pour accompagner les projections, rencontrant au passage une communauté de fans toujours grandissante.
Mais son cinéma ne s’arrête en réalité pas aux salles obscures, foisonnant bien au-delà. A partir de 2016, il a par exemple réalisé une série de courtes vignettes animées en s’appuyant sur des extraits audios de déclarations délirantes de Donald Trump. Trump Bites a été diffusée en ligne, frappant vite et fort. Ces formats courts lui permettent de commenter le monde et ses travers en temps réel, renouant avec la temporalité et l’humour du dessin de presse. Dans le même temps, Plympton continue d’écrire et de réaliser en dessin animé des longs métrages comme son dernier Duel à Monte-Carlo Del Norte, qui convoque le western, une histoire d’amour poétique et une satire d’Hollywood, dans un grand mélange des genres qu’affectionne le cinéaste et son public.
