Tikkoun

Un film de Avishai Sivan

Israël - 2015 - 2h / noir et blanc - image : 2.40 - son : 5.1

Sortie en salles : 7 décembre 2016

Affiche -

4,00 

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Affiche L 40 x H 60

DVD du film -

14,00 

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Bonus



  • LADY SLAUGHTER, court-métrage d’Avishai Sivan

  • Diaporama, oeuvres d’Avishai Sivan

  • Entretien avec Ariel Schweitzer (Cahiers du Cinéma) au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme

  • Bandes-annonces


Données techniques


Israël - 2015 - Drame - noir et blanc
Durée du film : 2h
Format image : 16/9 compatible 4/3 - 2.35
Format son : 5.1 - stéréo
Film en version originale hébreux avec ou sans sous-titres français

Site officiel

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Haïm-Aaron vit à Jérusalem où il effectue de brillantes études dans une yeshiva ultra orthodoxe. Ses aptitudes et sa dévotion font l’envie de tous.
Un soir, alors qu’il s’impose un jeûne drastique, Haïm-Aaron s’effondre et perd connaissance. Après 40 minutes de soins infructueux, les médecins le déclarent mort. Mais son père se lance dans un massage cardiaque acharné, et, contre toute attente, le ramène à la vie.
Après l’accident, malgré ses efforts, Haïm-Aaron ne parvient plus à s’intéresser à ses études. Il se sent dépassé par un soudain éveil charnel de son corps et soupçonne Dieu de le tester. Il se demande s’il doit s’écarter du droit chemin et trouver une nouvelle voie pour raviver sa foi.
Son père remarque ce changement de comportement et tente de le pardonner. La peur d’avoir été à l’encontre de la volonté de Dieu en ressuscitant son fils le tourmente violemment.

Festivals

Festival du Film de Locarno 2015
Prix Spécial du Jury
Mention Spéciale pour la Direction de la Photographie
Prix Don Quichotte

Festival du Film de Jérusalem 2015
Prix du Meilleur Long Métrage israélien
Prix du Meilleur Scénario (Avishai Sivan)
Prix de la Meilleure Direction de la Photographie (Shai Goldman)
Prix du Meilleur Acteur (Khalifa Natour)

Interview d'Avishai Sivan

Que signifie « Tikkoun » ?

En hébreu courant, « Tikkoun » signifie « amélioration », « rectification ». Mais dans le judaïsme, ce mot a une connotation plus métaphysique. La religion juive adhère à lʼidée de réincarnation – la croyance en un cycle ou en un retour de lʼâme après la mort biologique. « Tikkoun » fait référence à une âme qui revient dans le monde des vivants afin de remédier à un problème non résolu dans la vie passée et de se racheter avant le passage définitif dans lʼautre monde. L’action qui permet cette rédemption s’appelle « Tikkoun ».

Pouvez-vous nous expliquer le lien entre Tikkoun et votre film précédent, Le Vagabond ?

Je suis en train de faire une trilogie de films qui se situent dans la communauté juive orthodoxe. Ils traitent de jeunes étudiants en yeshiva (collège talmudique) qui sont confrontés à une crise spirituelle. A travers ces histoires, je tente de mettre leur foi à lʼépreuve du monde extérieur, de ce qui existe hors de leurs ghettos. Le propos nʼest pas quʼils souhaitent abandonner le culte. Il sʼagit dʼun voyage hors des frontières de la religion, à travers le monde profane, pour revenir ensuite à la religion, mais avec une sensibilité nouvelle, plus complexe et riche sur ce sujet. La trilogie se compose du Vagabond, de Tikkoun et dʼun troisième film pour lequel je cherche des financements.
Dans Le Vagabond, le personnage principal est hanté par le passé trouble de son père et il décide de suivre ce côté obscur. Il commet un crime et préfère rendre des comptes pour ce crime, non pas à la société, mais à Dieu, pour comprendre sa moralité, sa foi et comment il doit maintenant subir la religion comme une malédiction.
Dans Tikkoun, après avoir été déclaré cliniquement mort, Haïm-Aaron revient à la vie. Ses sens connaissent alors un nouvel éveil, et poussent son esprit et sa conscience à explorer et comprendre la vie à travers ce nouvel outil quʼest son corps. Ce nʼest pas simple de savoir comment satisfaire les besoins du corps ; parfois, ce sont des sensations vagues. Il y a les besoins sexuels, mais pas seulement, il y a aussi les besoins spirituels. Et tout ça entre parfois en conflit avec le fait dʼêtre un juif orthodoxe radical dont le but dans la vie est dʼatteindre le sublime, la transcendance.
Dans le troisième volet, que je nʼai pas encore tourné, il sʼagit dʼune guerre entre le Bien et le Mal. Je ne veux pas donner trop dʼéléments sur lʼhistoire. Le film traite toujours de la remise en question de la foi, mais par rapport au Bien et au Mal.

Pourquoi avez-vous choisi de tourner en noir et blanc et au format 2.40 ?

Jʼai choisi de tourner en noir et blanc pour plusieurs raisons. Dʼabord, ce choix résulte dʼune intuition que jʼai eue. En écrivant la première scène, alors que je ne savais pas encore exactement ce que serait lʼhistoire, jʼai imaginé le film en noir et blanc. Cʼest peut-être la première décision que jʼai prise. Je considère cette histoire comme une grande épopée, cʼest-à-dire quʼil y a du  mélodrame, que lʼon va dʼun extrême à lʼautre, de la vie à la mort. Pour rendre ce contraste, jʼutilise le noir et blanc. Il y a aussi une autre couleur, qui nʼen est pas vraiment une, plutôt une palette de gris.
Une autre raison est que jʼai essayé de créer un territoire cinématographique presque surréaliste, presque fantastique, comme un conte de fées. En revenant à la vie et avant de mourir à nouveau, Haïm-Aaron est coincé entre deux mondes. Explorer ce sentiment dʼentre deux me permet de créer un espace surréaliste. Jʼai aussi élaboré de longs plans vides avec ce personnage qui erre dans la ville de Jérusalem, comme sʼil nʼy avait que lui dans ce monde désert.
Une autre raison vient du fait que jʼenvisage le son dʼune manière très particulière. La bande sonore est très minimaliste, parfois presque silencieuse. Cet usage du son et lʼutilisation du noir et blanc donnent un effet similaire aux films des premiers temps. Le script contient peu de dialogues et beaucoup dʼactions, ce qui permet de comprendre ce que ressent Haïm-Aaron, de voir le monde à travers ses yeux de ressuscité. Cʼest comme faire lʼexpérience dʼun film du début du cinéma. Je ne sais pas si les spectateurs ressentiront cela.
Je nʼavais pas prévu de filmer au format 2.40. Au départ, en préparant le film, nous pensions tourner en pellicule 35mm. Les premiers tests étaient magnifiques et jʼétais convaincu que nous devions filmer sur celluloïd, au format 1.85 qui est celui que je préfère. Mais lʼargent manquait et le premier poste sacrifié fut celui-ci. Nous avons donc fait de nouveaux tests avec des caméras numériques. Lʼimage nʼavait pas la même puissance en numérique lorsquʼon gardait le ratio 1.85. Ce nʼétait pas assez esthétique pour moi, les longs plans que jʼai choisi de faire nʼavaient pas la puissance que je souhaitais. Le choix du 2.40 nʼest donc pas artistique à la base, mais plutôt économique.

Quʼest-ce que lʼesthétique du film révèle des personnages ?

Dʼun point de vue général, je nʼaime pas les gros plans au cinéma. Jʼen fais parfois, mais cʼest pour moi une manière de manipuler le spectateur pour lui extorquer des émotions. Il faut lʼutiliser avec sagesse. Cʼest comme quand dans une partie de poker, on ne révèle pas son jeu. Je préfère autant que possible ne pas user de cet outil. Dans la plupart de mes films, les plans sont larges. A lʼévidence, cʼest en opposition avec le personnage principal. Mais je pense que cʼest parce quʼil a un si grand espace pour évoluer que ce quʼil fait dedans devient important. Je préfère que mes acteurs agissent plutôt quʼils ne parlent. Cʼest plus cinématographique. Souvent dans mes films, les acteurs sortent du champ et y reviennent, et parfois, cette façon de voir les choses de manière géographique créé naturellement des gros plans. Cʼest une façon intelligente et élégante de raconter une histoire et de se rapprocher des personnages.
Jʼai également choisi de longs et larges plans parce que je voulais aussi raconter lʼhistoire dʼun espace. Comme je le disais, jʼai essayé de créer un territoire qui serait cette zone dʼombre dans laquelle évolue un personnage coincé entre deux mondes. En épurant ce monde, en effaçant tout ce qui pourrait y sembler familier, on obtient une image surréaliste. Et lʼimage elle-même renvoie à ce que ressent le personnage. On peut dire quʼon entend une voix muette qui vient des images. Je préfère le langage cinématographique au langage verbal qui sortirait de la bouche du personnage. Et ça correspond parfaitement à ce milieu orthodoxe : les gens qui en font partie, les plus radicaux du moins, nʼont pas de conversations anodines, ils ne parlent quʼen cas de besoin. Ils essayent dʼêtre modestes, de peu parler et de consacrer tout leur être et tout leur esprit à prier Dieu. Donc je me suis rapproché des films muets. Il y a beaucoup dʼactions, le film tente de
créer une tension en mélangeant différentes images, et comprendre ces images fait ressentir une émotion.

Est-ce que vos autres travaux artistiques influencent votre travail au cinéma ?

Oui, ce que je fais en art vidéo et dans dʼautres disciplines artistiques influencent beaucoup mon cinéma. Ça mʼaide à ne pas raconter les histoires de manière trop prévisible. Jʼessaye même de créer du désordre avec mes histoires, de ne pas définir ce qui est bien ou mal dans la scène ou dans le film. Ce que lʼart mʼapporte cʼest au contraire de comprendre quʼil nʼy a pas de bien ou de mal. Il y a des choses intéressantes ou pas. Parfois, une chose peut ne pas avoir de logique, mais être tellement surprenante que ça vaut la peine dʼessayer de la comprendre et dʼaller plus loin que ce qui est facile dans le cinéma ou dans lʼart. Lʼart vous pousse toujours à aller hors des sentiers battus. Ce qui mʼaide vraiment à penser différemment, quand je construis une histoire, une scène, ou quand je dirige un acteur, cʼest de toujours essayer de comprendre ou de regarder les choses différemment de ce quʼelles devraient être. Même si cʼest censé être réaliste, je vais essayer de prendre des chemins de traverse. Cʼest un peu comme entrer dans une pièce, repérer le personnage important, et, alors que la première chose à faire serait de sʼoccuper de ce personnage, choisir
de se focaliser sur la chaise sur laquelle il nʼest justement pas assis. Ça revient à introduire de la poésie dans le cinéma, dʼune manière très dramatique. Les questions posées par le film ne sont pas nécessairement liées à la religion. Le film pose des questions qui touchent lʼêtre humain en général. Ce ne sont pas des problèmes spécifiques au judaïsme ou à la religion. Jʼai aussi ressenti en moi, alors que je ne suis pas religieux, ce que ressent ce personnage juif dévoué, qui tente dʼatteindre le sublime, dʼapprofondir sa foi. Ce sentiment a existé en moi en tant quʼartiste. A un moment, jʼavais un studio où je peignais de très grandes toiles. En travaillant, jʼoubliais le temps, jʼoubliais si cʼétait le jour ou la nuit, jʼoubliais de dormir ou de faire les choses du quotidien. Cʼétait moi contre l’œuvre. Je me souviens que cʼétait presque physique ce quʼil se passait en moi alors que jʼessayais dʼaller au bout de cette peinture. Ce sentiment de ne pas abandonner, dʼessayer dʼaller encore plus haut, encore plus loin, de créer quelque chose de remarquable, de comprendre des choses sur lʼart, sur moi, sur ce processus de création, cela existe aussi chez une personne croyante. Le film ne parle pas dʼun groupe spécifique de religieux, mais des gens en général qui essayent de creuser et dʼapprofondir leur foi, la foi nʼétant pas simplement une affaire de religion.

Pourquoi avoir choisi cette communauté en particulier ?

Cette communauté est évidemment très radicale. Cʼest une des plus importantes dʼIsraël. Elle vient dʼun ancien groupe hassidique. Ce groupe que jʼai choisi de montrer dans Tikkoun sʼest créé une barrière. Ils ont besoin dʼinterdire tout ce qui se rapporte à la sexualité. Jʼai choisi cette communauté parce que dʼun point de vue dramatique, ça me permettait dʼaller plus loin dans le conflit que ressent mon personnage, cette bataille entre le corps et lʼesprit. Cʼétait plus efficace ainsi. Après sa résurrection, Haïm-Aaron a un comportement provocateur envers son père et sa communauté. Dans la réalité, si quelquʼun se comporte comme ça, alors quʼau départ il était considéré comme un prodige, un étudiant prometteur, la communauté et la famille vont immédiatement le renier et lʼexclure. Le père dʼHaïm-Aaron a peur que son fils influence son frère et sa sœur, et les responsables de la communauté ont peur quʼil déteigne sur les autres étudiants. Je nʼai pas suivi la voie réaliste. Ce nʼest pas très gentil de dire ça, mais je me suis servi de cette communauté, de cet environnement, pour raconter une histoire universelle sur lʼêtre humain qui vit dans des conditions radicales. Cela pourrait être un milieu islamique, ou chrétien, ou de nʼimporte quelle autre religion, croyance ou culture. La vérité réaliste de cette communauté juive spécifique ne mʼintéressait pas. Ce sont des questions qui concernent tout groupe radical.

Quelle a été votre position par rapport à ces gens ?

Jʼai fait beaucoup de recherches, jʼadmire et je respecte la manière de vivre de cette communauté. Mais dʼun autre côté, comme je nʼen fait pas partie (je nʼai pas été élevé dans la religion), je peux les critiquer plus librement. Ce qui est particulier dans mes films qui traitent de la religion, cʼest que dʼhabitude, les réalisateurs israéliens qui parlent de ça font eux-mêmes partie des ces communautés. Pas moi. Ça mʼautorise à prendre des chemins plus radicaux, et à observer tout ça dʼun point de vue plus clinique, distancié. Jʼai beaucoup de choses à critiquer quant à la manière de vivre de cette communauté. Par exemple, comment ils traitent les femmes, et comment ils gèrent la sexualité. Mais jʼai vraiment essayé de les protéger aussi, quʼils ne soient pas les méchants dans lʼhistoire. Haïm-Aaron ne souhaite pas quitter la religion ; il essaye de comprendre et dʼatteindre une certaine vérité sur sa foi. Il ne prend pas ses affaires et quitte sa famille, il revient au contraire toujours à la maison, dans le giron familial, pour comprendre ce quʼil doit faire de cette nouvelle vie. Tout ça pour approfondir sa foi. Ainsi, jʼai pu les filmer avec respect parce quʼil y avait une certaine honnêteté et vérité dans cette croyance.

Biographie d'Avishai Sivan

Avishai Sivan est né en 1977 en Israël. Il est réalisateur, artiste visuel et écrivain. Son travail a été montré dans des galeries et des musées en Israël et en Europe. Avant son premier long métrage, Le Vagabond (The Wanderer, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2010), Avishai Sivan a réalisé des films expérimentaux, notamment la série en sept parties “The Soap Opera of a Frozen Filmmaker”, qui a gagné le prix du Meilleur Film Expérimental au Festival du Film de Jérusalem en 2007. En 2015, son film Tikkoun gagne les prix du Meilleur Film de Fiction Israélien, Meilleur Scénario, Meilleure Direction de la Photographie et Meilleur Acteur au Festival du Film de Jérusalem, et également le Prix Spécial du Jury, une Mention Spéciale pour la Meilleure Direction de la Photographie et le prix Don Quichotte au Festival de Locarno.
Avishai Sivan est actuellement en train de développer son prochain long métrage, Le Pirate, un thriller d’espionnage basé sur le roman “Three Envelopes” de Nir Hezroni.

Biographie des acteurs

Biographie d’Aharon Traitel (Haïm-Aaron)

Aharon Traitel est le plus jeune d’une famille de 15 enfants. Il a été élevé dans la communauté juive hassidique Nadvorna, à Bnei Brak, et est devenu un étudiant religieux exceptionnel (un “Illui”). A 15 ans, Aharon Traitel a commencé à remettre sa foi en question, et a abandonné le Judaïsme pour explorer de nouvelles voies spirituelles. Ce processus d’abandon du monde Haredi et d’implication dans la société profane/laïque fut très difficile et donna lieu à des expériences éprouvantes.
Aharon a rejoint l’équipe de Tikkoun après avoir répondu à une annonce de casting en ligne. Le rôle principal lui a été attribué alors même qu’il n’avait aucune expérience de comédien.
Aujourd’hui, Aharon est marié à Ayelet (qu’il a rencontrée à l’occasion des auditions de Tikkoun) et souhaite apprendre le métier d’acteur.

Biographie de Khalifa Natour (le père d’Haïm-Aaron)

Khalifa Natour est diplômé de l’École des Arts du Spectacle de Beit Zvi. En 2000, il décide de jouer dans sa langue natale, l’Arabe, et s’installe à Ramallah. Il adapte et joue dans la pièce “Stories Under Occupation”, mis en scène par Nizar Zuabi, qui est présentée au Young Vic à Londres notamment. Il a également adapté et joué pour le Théâtre National Palestinien dans “Jedareya (Mural)” du poète Mahmoud Darwish au festival d’Edimbourg, à Genève et ailleurs encore. Khalifa gagne le premier prix du Théâtre Netto 2006 pour son one-man show “In Spitting Distance”, mis en scène par Ofira Henig. Le spectacle voyage à Paris, Londres, New York, Zurich… Khalifa a participé à deux productions du célèbre Peter Brook au théâtre des Bouffes du Nord : “Fragments” de Samuel Beckett, et ” 11 et 12″ de Hampâté Bâ. Il est aussi acteur au cinéma : La Visite de la fanfare, Le Mariage de Rana, Le Fils de l’autre, Le Cochon de Gaza