The Saddest Music in the World

Un film de Guy Maddin

Sortie en salles : 22 février 2006

Affiche -

4,00 10,00 

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Affiche L 40 x H 60 ou L 120 x H 160

DVD du film -

20,00 

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BONUS DVD :
Livret 20 pages, “Des larmes dans la neige" (making of du film),
9 mini bandes annonces réalisées pour la promotion internet et la sortie américaine,
3 courts métrages réalisés autour du film,
Bande-annonce du film,
Extraits des autres films de Guy Maddin

Winnipeg, au Canada en 1933, au cœur de la Grande Dépression. Lady Port-Huntly, baronesse locale de la bière, bien décidée à profiter de la fin proche de la Prohibition, lance le concours de la musique la plus triste du monde, car c’est bien connu plus les gens sont tristes plus ils boivent.

Des candidats du monde entier affluent vers la ville enneigée et glaciale.

Attiré par le prix de 25.000 dollars, chacun tente d’interpréter à sa manière la plus profonde tristesse au cours d’une compétition euphorique, largement arrosé à la bière locale, la Muskeg et suivie à la radio par des américains qui ont soif. De retour dans sa ville natale accompagné de la belle Narcissa, amnésique et nymphomane, Chester Kent, producteur de Broodway ruiné et cynique représentera les Etats-Unis. Réunis à cette occasion, les trois membres de la famille Kent s’affronteront bien au delà de la seule musique et règleront à l’occasion d’anciens secrets de famille.

Avec Isabella ROSSELLINI et Maria DE MEDEIROS
Scénario de Kazuo Ishiguro, Guy Maddin et George Toles d’après une idée originale de Kazuo Ishiguro.

the saddest music in the world

A propos du film

Winnipeg, ville habituellement ignorée du reste du monde deviendra pour un temps, le lieu vers lequel tous les regards convergent.

Guy Maddin a bénéficié pour la première fois de sa carrière d’un budget important pour la réalisation de ce film qui est son septième long-métrage. Présenté en séance spéciale au festival de Venise l’année dernière, “The Saddest Music in the World” marque une évolution importante dans sa carrière, le passage à un cinéma tout aussi personnel mais accessible à un plus large public.

La presse

Le Monde : Maddin a créé un monde à lui, un espace dans lequel il construit une œuvre dont la bizarrerie éblouit, mais peut aussi, pour peu qu’on lui prête l’attention qu’elle mérite, émouvoir.

Les Inrockuptibles : Maddin ne fait pas mystère d’avoir tenté de réaliser ce qui se rapproche le plus à ses yeux d’un film destiné à un spectateur normal. Dans lequel on trouvera donc un ver solitaire médium, le cœur d’un enfant conservé dans un bocal empli des larmes de son père, ou une perverse impératrice à la Sternberg. De quoi être rassuré, donc : Maddin est toujours aussi fou-comme nous, de lui.

Télérama Sortir : Une pure étrangeté, entre féerie noire et farce neurasthénique, signée par le doux dingue Guy Maddin.

Libération : Un nœud oedipien serré à partir duquel on peut voir soit des traces d’expressionnisme vintage ou alors, à contre pied, une lecture barrée des relations géopolitiques contemporaines. La mécanique folle ne connaît aucune relâche, osant traiter les disputes comme des slapsticks et la comédie en drame. La politique du contre-pied permanent.

Première : Ambiances folles et délires surréalisants, au moins on ne s’ennuie pas.

Studio Magazine : L’atmosphère oppressante mais fascinante de ses images (et la présence d’Isabella Rosselilni évoque un Lynch trash (…)

Elle (film Coup de cœur) : Cette miniature cinématographique fragile et précieuse enchante notre regard, ravit notre esprit, nous étonne, enfin.

Zurban : Surréalisme, tragédie, burlesque et mélancolie innondent le nouveau délire de Guy Maddin.
Une saisissante déclaration d’un créateur qui croit puissament dans la magie du cinéma.

L’Humanité : Les habitués de la cinémathèque joueront à identifier les références. Les autres riront en toute innocence, admirant par ailleurs une forme convoquant Griffith, L’Herbier et beaucoup d’autres encore.

L’Express : Maddin explore les passions humaines et les met en scène en des histoires qui convoquent Cocteau et Murnau, Francis Bacon et Bram Stoker. Hypnotisant, hallucinant.

Nouvel Observateur : Bienvenue dans cette fable aux images splendides .

Le Figaro : Isabella Rossellini s’est amusée à entrer dans l’univers très étrange et envoûtant de Guy Maddin. Ce magicien canadien a imaginé avec The Saddest Music in the World, un mélodrame flamboyant.

Le Figaroscope : Cruauté et noirceur de certains personnages, destins brisés, situations surréalistes, le cinéaste nous plonge dans un pur mélodrame, une féerie triste et glacée, illuminée par un admirable noir et blanc.

aVoir-aLire.com : The Saddest Music in the World est un grand moment de cinéma déviant et une étape d’importance dans la filmographie, déjà imposante, de Guy Maddin.

Les Echos : Canadien aussi original que marginal, Guy Maddin tourne des films aux frontières du fantastique, baignant dans un surréalisme kitsch hors du temps. Un grand mélo musical et neigeux.

Métro : Bricoleur de génie, le Canadien Guy Maddin reste injustement méconnu du grand public. Du fantastique poétique complètement délirant, où l’on retrouve la sublime Isabella Rossellini.

Pariscope : Mélo, comédie, film noir, burlesque ou musical ? The Saddest Music in the World est un peu tout cela. Toute la tristesse du monde est ici dans ce film insolite, qui rend hommage aux débuts du cinéma, un film surréaliste aux diverses influences, dont par exemple, celle de Tod Browning avec son fétichisme morbide, sa poésie décalée, et un acteur qui ressemble à Lon Chaney.

Muze : Maddin est un génie singulier et fascinant capable de réenchanter le monde avec des moyens dérisoires. Etrange et merveilleux, le cinéma du canadien Guy Maddin ne ressemble à rien de connu. La sortie de The Saddest Music in the World est l’occasion rêvée de chanter ses louanges.

Paris Match : Formidable célébration des déviances en tout genre, cette œuvre en noir et blanc a le charme mélodique et onirique des grands films muets, et une loufoquerie inespérée !

Rock’n Folk : Maddin invente constamment, aussi bien narrativement que visuellement.

Score : The Saddest Music in the World se pose clairement comme un ovni dans le paysage cinématographique, oscillant entre l’agressivité des films d’horreur de l’ère du muet et poésie désaccordée des foires. Une œuvre d’un rare et radical surréalisme à accepter tel quel. Une expérience exceptionnelle.

MCinéma.com : Un mélange constant de deux extrêmes chers à Maddin, tragédie et humour noir, qui donne un résultat fascinant et original.

Entretien avec Guy Maddin

Quelle est l’origine du projet The Saddest Music in the World ?
C’est à l’origine un scénario de l’écrivain anglais Kazuo Ishiguro, que mon producteur Niv Fichman avait en sa possession, et qu’il m’a remis après que nous ayons fini le court métrage The Hearth of the World. Je ne connaissais pas grand chose de Kazuo Ishiguro, à part le film tiré de son roman Les Vestiges du jour, qui m’avait plu, mais j’étais vraiment persuadé que lui et moi n’avions rien en commun. J’ai donc aimablement pris le scénario, je l’ai posé sur la table de ma cuisine et Niv m’appelait régulièrement pour savoir où j’en étais. Finalement, un jour, je l’ai passé à mon collaborateur George Toles, qui est un lecteur rapide, et qui en a aimé les prémices, alors je l’ai lu à mon tour.

Niv m’avait encouragé à changer autant d’éléments que je le voulais dans le scénario, alors George et moi avons commencé à parler de toutes les modifications que nous pourrions lui faire subir afin de nous l’approprier. Nous avons transporté l’action de Londres à Winnipeg car j’aime ma ville et je voulais créer une mythologie autour de cette ville, un peu comme d’autres villes ont été mythifiées par le cinéma. Ces films dont la simple évocation fait naître des images dans la tête des gens. Quelque chose d’assez éloigné de ce qu’est vraiment Winnipeg. Nous sommes ensuite passés du présent à l’époque de la Grande Dépression, qui s’associe pour moi tout de suite à l’idée de tristesse. Cela m’a permis entre autre de pouvoir tourner le film en noir et blanc. Il n’y a pas d’images d’archive de cette période sur Winnipeg, ça a donc été ma petite contribution que de créer rétrospectivement les images d’archive de ma ville et d’en accentuer l’atmosphère pour situer cette compétition de la musique la plus triste.

Comment s’est passée l’écriture avec Ishiguro?
Le processus d’écriture a vraiment été particulier mais j’ai apprécié cette collaboration et je retravaillerais avec plaisir avec Ishiguro. Il faut avant tout savoir que Kazuo Ishiguro avait alors le droit de veto sur le scénario. C’était à Niv de le convaincre que ce que nous écrivions était bien. Niv connaissant mes possibles sautes d’humeur craignait que si nous nous parlions directement, cela se passe très mal compte tenu de tous les changements que nous voulions apporter au scénario initial. Il ne m’a jamais laissé parler directement à Ishiguro. J’envoyais donc mes traitements à Niv qui les transmettait à Ishiguro avec qui il en discutait lors de ses fréquents passages à Londres. Puis Ishiguro lui faisait ses commentaires sur ce qu’il fallait revoir. Il n’a cependant jamais insisté pour revenir en arrière sur un changement, mais il essayait plutôt, lorsque cela ne lui convenait pas, de trouver une troisième solution. Il a ainsi participé très positivement à l’écriture. Mais Niv craignant toujours que je me braque contre Ishiguro me faisait ses commentaires comme s’il venait de lui.

Quant à Niv Fichman et George Toles, ils se sont détestés en cinq minutes dès leur première rencontre, je devais donc moi aussi faire passer chaque idée de George comme étant les miennes. Je pense donc que sans le savoir ce sont Kazuo Ishiguro et George Toles qui ont écrit la plus grande partie du scénario au travers de Niv et moi. Tout au long de ce travail d’écriture Niv m’a supporté dans mes choix et jamais une querelle n’est devenue personnelle. Nous nous disputions, faisions un choix et puis n’en parlions plus, oubliant qui en était à l’origine. Je sais même qu’il a défendu des idées à moi contre lesquelles il était, face à de tierces personnes. En fait j’ai apprécié que l’on m’attribue ainsi un projet dont je n’étais pas maître, ce travail d’écriture, de collaboration et de contrainte.

Y avait-il des pressions au niveau de l’écriture pour aller vers une narration plus claire ?
Au tout début de notre collaboration, Niv m’avait dit avoir toujours apprécié le style de mes films, mais qu’il pensait qu’en apportant plus de soin et de clarté à l’histoire, en faisant par exemple lire les traitements à des gens afin d’avoir leurs avis, alors on pourrait obtenir à la fois une atmosphère forte ainsi qu’une narration plus fluide. J’étais d’accord avec ça, car j’ai toujours eu envie que mes films touchent plus de public, même si j’ai eu ma propre façon de le faire dans mes films précédents. Et j’ai l’impression que sans faire des projections publiques suivies de votes afin de choisir entre différentes fins, nous avons fait un film solide et original qui peut toucher facilement plus de monde.

C’était un vrai exercice que d’essayer d’être clair avec une narration classique, et de poser quelque chose de plus onirique au-dessus de cela. Niv était surpris que ce soit quelque chose que j’aie toujours cherché à atteindre. Je dois cependant reconnaître que l’écriture fut parfois pénible, lors d’interminables conversations téléphoniques avec Niv, à enlever et remettre une virgule ici ou là.

Comment s’est passé le casting?
Pour mes premiers films, le casting était un des moments les plus excitants, j’allais voir des pièces de théâtre, je choisissais des gens de Winnipeg, pour leur visage, leur voix, puis c’est devenu un enfer à la fin des années 90, quand j’ai subi des pressions pour trouver des gens en dehors de Winnipeg, et j’aurais eu besoin d’un vrai agent pour m’aider. Je l’ai fait moi-même sur Le Crépuscule des nymphes de glace et c’était terrible d’essayer constamment de contourner les agents hollywoodiens qui protègent leurs poulains des films artistiques à petits budgets.

Donc sur ce film, George et moi avons écrit le personnage de Lady Port-Huntly avec Isabella Rossellini en tête dès le début. Quand nous en avons parlé au directeur de casting, je me rappelle que tout le monde a pensé que nous visions peut-être un peut haut dès le début. Mais Isabella Rossellini avait déjà prouvé qu’elle était capable de faire des choix vraiment courageux et aventureux, dans des films indépendants, dont l’un de mes films préférés Blue Velvet. J’adore les belles voix mélodiques, les voix qui n’appartiennent ni à une époque, ni à un lieu. Isabella a parfois la voix de sa mère avec des accents scandinaves, parfois des tonalités méditerranéennes, exotiques et mélodiques, et j’avais plus que tout besoin de mélodie et de musicalité pour ce film. C’était donc un choix définitif dès le début.

Quant à Maria de Medeiros, je me rappelle que nous parlions au téléphone tard une nuit avec mon producteur Jody Shapiro, en essayant de trouver une actrice qui lui ressemble et nous parlions d’elle, étrangement, comme si elle était morte. Et au bout d’un moment, Jody m’a dit que son cousin avait le numéro personnel de Maria de Medeiros, donc pourquoi ne pas lui demander à elle directement. Alors je me suis dit, quelle idée géniale, Maria de Medeiros.

Mais j’étais trop timide pour l’appeler. Puis un soir mon téléphone a sonné et j’ai vu sur l’écran s’afficher le numéro d’Isabella Rossellini dont je n’avais jusqu’alors parlé qu’à l’agent. Après avoir eu le courage de décrocher, la conversation s’est tellement bien passée, nous avons parlé cinéma, de ses films préférés, du muet, de sa mère, qu’en une demi-heure, elle avait accepté de faire le film et de venir un mois avant à Winnipeg pour voir mes films chez moi et préparer le rôle. Je me sentais tellement confiant après cette conversation, que j’ai directement appelé Maria, qui a dix oui au bout de dix minutes après que je lui ai promis qu’il faisait chaud à Winnipeg.

En 45 minutes j’avais convaincu Isabella Rossellini et Maria de Medeiros par téléphone.

Mark McKinney est une star de ‘sketch comedy’ au Canada et aux USA sur HBO, et Niv me l’a proposé dès le début. J’ai pensé que c’était une bonne idée car j’aime depuis tout petit le travail des comiques qui jouent des rôles sérieux. Il a tout de suite compris ce que je voulais pour le personnage. Il est drôle, mais le film est un drame où il peut être drôle envers lui même et les autres personnages. Avant même que je l’ai choisi, il avait perdu du poids pour le rôle, s’était fait pousser la moustache et fabriquer une perruque spéciale. Il avait même pris des cours pour marcher car il avait lu que j’aimais la démarche des acteurs dans les vieux films, il avait fait un énorme travail.

J’ai choisi David Fox dans le rôle de Fyodor pour sa voix, et c’est pour Roderick que le choix fut le plus difficile. Mais le réponse était sous mes yeux. Je connais Ross McMillan depuis des années, il avait fait la voix du personnage principal sur mon film Le Crépuscule des nymphes de glace. C’est un acteur et un écrivain de théâtre remarquable.

Il a fini par être la personne la plus précieuse que j’ai choisie, car il s’est chargé des répétitions. Sur la plupart des films, les acteurs doivent tourner à peine descendus de l’avion, et je n’arrivais pas à trouver le temps de faire des répétitions, alors je l’ai envoyé répéter avec Mark pendant une semaine à Toronto et quand ils sont revenus, leur jeu n’était plus du tout le même. Ils sont ensuite allés passer une semaine à New-York chez Isabella Rossellini et quand elle est arrivée pour le tournage, son interprétation n’avait plus rien à voir avec la lecture que nous avions faite à Winnipeg quelques semaines avant. Tout était plus détaillé, plus précis. Nous avons dirigé ça ensemble, Ross et moi par téléphone ainsi qu’avec George.

Quant à Maria, elle a toujours été depuis le début parfaite pour le rôle. Elle est descendue de l’avion, est arrivée sur le tournage et a dit son texte exactement comme je le voulais. Je n’avais qu’un vague souvenir d’elle dans Pulp Fiction et Henri & June, mais je savais à quoi elle ressemblait, et je sentais qu’elle comprenait le personnage. Il fallait pouvoir lui donner à la fois de la tristesse et une sorte d’indifférence heureuse afin de pouvoir jouer cette mère dans le chagrin, mais qui a oublié son chagrin. Elle savait le jouer et le pousser parfois vers le mélodrame. Nous avons fait une courte lecture dans la chaleur de mon bureau avant de tourner et c’était parfait. Mais il fallait faire extrêmement attention à elle, car elle est littéralement assommée par le froid. Elle ne pouvait jouer qu’une vingtaine de minutes puis il fallait l’évacuer vers un lieu chauffé. Un peu comme une poupée que l’on remonte et qui arrive en bout de course. Elle ne pouvait être là que six jours quand le plan de travail en prévoyait dix. C’étaient les six premiers jours du film et nous l’avons fait, de toute façon nous ne pouvions dépasser. Nous faisions donc des grosses journées avec de cent à cent cinquante plans. Quand Maria est partie, soudain le tournage est devenu très léger. Nous nous surprenions même parfois à finir vers 15H00, alors nous rentrions chez nous, ce qui n’était pas mal car nous commencions tous à souffrir de vivre ainsi enfermés dans le noir et le froid pendant des jours entiers sans jamais voir le soleil.

Vous êtes-vous senti libre sur le tournage ou avez-vous dû vous fixer des limites?
Je me suis senti complètement libre. J’avais toujours en tête cette phrase de Bunuel tirée de son autobiographie, où il dit que dans toute sa carrière, il n’a jamais rajouté ou enlevé un plan contre sa volonté. Je me suis dit que je serais heureux de pouvoir en dire autant à la fin de ma carrière. J’étais prêt à me battre pour ce que je voulais et j’étais un peu inquiet le premier jour de tournage.

Le film est assez différent de ce que vous faisiez avant. Que pouvez-vous en dire?
Je voulais qu’il soit un peu différent. Je savais que c’était le scénario le plus compliqué que j’ai abordé, que la clarté était nécessaire, et que le jeu des acteurs devait être d’un certain niveau. Mes scénarios précédents étaient toujours écrits pour permettre une large part d’imprévus, celui-ci permettait seulement un peu d’imprévu, je devais avoir plus de contrôle dessus. J’avais tourné Et les lâches s’agenouillent… juste avant et je m’étais ainsi débarrassé de cette liberté hystérique qui m’habite, c’était une sorte d’entraînement pour The Saddest Music in the World. Si j’étais arrivé sur le tournage sans avoir rien tourné depuis plusieurs années, j’aurais eu du mal à trouver mon rythme, pour un tournage aussi important avec une grosse équipe. C’est une sorte d’armée à mobiliser et cela doit être organisé.

Qu’est-ce-qui en fait quelque chose de différent dans l’esprit Guy Maddin, dans la narration?
Le film est fait dans mon esprit, c’est juste une combinaison de différentes influences, ce vers quoi je travaille depuis longtemps. J’ai fait en sorte de mettre des choses autobiographiques dedans et j’ai travaillé avec plus de musique qu’avant, ce que j’avais toujours voulu faire. Le film est un mélodrame, et j’ai réussi à le faire ressembler à ce que je voulais que mes films soient. C’est un film qui est rythmé correctement du début à la fin. J’ai fait des films qui commençaient bien, d’autres ou seule la fin me plaisait. Des films incroyablement rapides comme The Heart of the World, ou encore Et Les lâches s’agenouillent… qui est rapide pour un long métrage, et ils sont plus faciles à faire, car quand on les monte, il suffit de le faire le plus rapidement possible. J’ai fait des films plus calmes et atmosphériques comme Tales from the Gimli Hospital ou Archangel, ce film est quelque part au milieu, mais c’était difficile de trouver le bon rythme. Une bonne partie vient des acteurs. J’ai toujours conçu ce film comme étant joué plus rapidement et les acteurs se sont sentis à l’aise avec cette indication. Un rythme plus rapide nous aurait rapproché d’une parodie des films parlant de la Warner des années 30, et je ne voulais pas faire de parodie ou de pastiche, je voulais que le film existe de lui même.

Enfin c’était à mon monteur et à moi de trouver le bon rythme et c’est le premier long métrage que je fais où je n’essayais pas de me débarrasser de cette étape au plus vite. Il y avait des séquences qui devaient plus respirer, d’autres qui devaient être un peu accélérées. Il m’apparaît aujourd’hui comme mon premier film mature, sophistiqué, au rythme équilibré, et où chaque personnage a sa propre chronologie qu’il suit jusqu’à la fin du film.

Quelles sont vos influences filmiques ?
Certaines personnes disent que mes films leur rappellent ceux de David Lynch, d’autres disent que c’est à Luis Bunuel qu’ils s’apparentent le plus.

Je reçois ces deux commentaires comme d’immenses compliments, car j’adore le travail de ces deux artistes.

Je ne pense pas avoir copié l’un ou l’autre et j’espère que ce n’est pas ce que les gens pensent. Peut-être se sont-ils aperçus de ma dévotion au subconscient, mon goût pour les atmosphères fortes et le lugubre. J’aime la vision du monde de Bunuel. Nous sommes tous deux, je ne sais trop comment le dire, des réalistes psychologiques, et donc à parts égales sadiques et masochistes. Bunuel m’a appris à regarder et à filmer les comportements humains au travers de cet Å“illeton. De temps en temps je m’abandonne à l’attirance du Grand Guignol, mais j’essaie de nuancer. Je suis un homme, mais mon côté fragile, a poussé plus d’un critique à me présenter comme un Sam Peckinpah féminisé! Un autre merveilleux compliment!

Il y a une méprise avec les critiques qui insistent sur le fait que je réalise des films muets. La vérité est que j’ai réalisé un ballet, Dracula, donc naturellement sans dialogue, mais j’ai aussi fait des films tout en couleur avec beaucoup de dialogues, même trop parfois, avec du son dolby et mes films sont toujours décrits comme muets. J’aime et je respecte l’époque du muet, mais je n’en suis pas le descendant.

Si je suis le fruit de quoi que ce soit qui m’ait vraiment inspiré, ce n’est très probablement pas à chercher dans les films. J’aime le son de la mer, le son qui descend des montagnes, l’odeur sous les vieux tapis. J’aime les visages quand ils expriment le chagrin ou la sensualité, j’aime le braiment des mules!

Toutes ces choses qui ont excité et inspiré les peintres, écrivains et cinéastes depuis des siècles.

Quel film voudriez-vous faire maintenant?
En dix-huit mois j’ai tourné Dracula, Et les lâches s’agenouillent… et The Saddest Music in the World, plus quelques courts-métrages, et chacun est un peu différent. Je me suis dit que je ferais mieux d’attendre parce que je ne sais pas ce que je dois faire maintenant. Je ne sais pas ce que j’ai envie de faire, je ne sais pas ce que les gens pensent que je dois faire, ce que les spectateurs pensent que je devrais faire, ni comment les surprendre ou ne pas les surprendre.

J’ai décidé de prendre du recul aussi longtemps qu’il le faudra afin de retomber amoureux d’un projet ou de trouver un scénario dans ma boîte aux lettres qui capture vraiment mon imagination. Je crois que j’aimerais me réinventer, brièvement, afin de mettre le pied dans un autre monde pour quelque temps, d’y rester à jamais si cela me plaît, et si je n’y suis pas le bienvenu ou que je ne m’y plaît pas, je reviendrais avec plaisir à mon monde de Winnipeg, à mes anciens collaborateurs. Il se pourrait que je fasse le gros film hollywoodien sur lequel je travaille actuellement, j’ai aussi reçu une proposition pour faire un autre film de danse basé sur une histoire de Hans-Christian Andersen, et j’ai une proposition trop exceptionnelle pour pouvoir la refuser pour faire un petit film très indépendant en super 8 à Seattle. Un producteur a monté un programme où l’on peut bénéficier de 100.000 dollars à condition que je n’utilise que des gens de Seattle. J’y ai vu l’occasion de faire un compagnon à Et les lâches s’agenouillent…, c’est une autre autobiographie, mais je ne peux pas utiliser Darcy Fehr pour me jouer car il n’est pas de Seattle. Mais la fille d’Isabella Rossellini, Electra vit à Seattle, donc peut-être cela restera -t-il en famille. Je crois que j’ai toujours fait des autobiographies, je ne fais que le dire haut et fort maintenant.

Isabella Rossellini et moi préparons un autre film ensemble, un court-métrage, pour célébrer le centenaire de son père. C’est une lettre d’amour d’Isabella à son père décédé pour son centième anniversaire et dont le titre sera Mon père a cent ans. Je le réalise , elle l’a écrit et y joue tous les rôles. Elle y joue son propre rôle, elle joue sa mère, elle joue Anna Magnani, Federico Fellini et Alfred Hitchcock. C’est très tendre, et très nu, elle y est très franche par rapport à ce qu’elle ressent pour son père, ses doutes envers lui, combien elle l’aime, c’est charmant et très émouvant sur le papier. Je me sens énormément honoré qu’elle m’ait choisi pour le réaliser, parce que curieusement elle dit voir beaucoup de choses en commun entre lui et moi. A voir ses films et à part le noir et blanc, on ne penserait pas qu’il y ait tant de similitudes. Il tournait en décors naturels en Italie, ses films sont très politiques, mais il a aussi utilisé comme moi à mes débuts des comédiens non professionnels, et d’après les souvenirs d’Isabella, il faisait ses films quoi qu’il en coûte, qu’il faille attacher une ficelle à l’orteil d’un acteur et la tirer pour lui faire dire son texte, qu’il faille tourner dans sa cuisine plutôt qu’en studio, il n’y avait pas de problème.

Elle m’a entendu parler de la manière dont j’ai fait mes premiers films et cela lui a rappelé son père.