Kurt Cobain: About a son

Un film de Aj Schnack

Documentaire - USA - 2006 - 97 min

Sortie en salles : 26 novembre 2008

Affiche -

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Affiche L 40 x H 60 ou L 120 x H 160

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Un film de Aj SCHNACK

Balade poétique et atmosphérique dans les lieux fréquentés par Kurt Cobain au cours de sa vie, rythmée par des extraits musicaux des groupes qui l’ont influencé.

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“Kurt Cobain: About a son” est une balade poétique et atmosphérique dans les lieux fréquentés par Kurt Cobain au cours de sa vie, rythmée par des extraits musicaux des groupes qui l’ont influencé.

Kurt Cobain: About a son

A propos du film

Vous ne verrez pas Kurt Cobain dans ce film. En revanche, vous l’entendrez, vous n’entendrez que lui, peut-être pour la première et dernière fois. Vous verrez les endroits où il a vécu. Vous entendrez la musique qu’il a écoutée. Vous marcherez sur ses traces. Et quand finalement vous l’aurez vu, j’espère que vous découvrirez une image différente, une image plus nette de l’homme qu’il était.

SYNOPSIS

Kurt Cobain About A Son est un film sur le rock ’n’ roll sans précédent – un portrait intime et émouvant du défunt musicien et artiste Kurt Cobain, entièrement narré par lui-même – loin des affres de la célébrité, des coupures de journaux, des accroches des tabloïds, et sans aucune tentative d’esthétique grunge. Ce qu’a créé le réalisateur A.J. Schnack s’apparente davantage à une autobiographie de Kurt Cobain– un récit profond, recueilli à la source, de ses succès comme de ses échecs, de ses pensées, ses expériences, immergeant le spectateur dans la sphère intime d’une figure légendaire de la culture rock.

Reposant sur plus de vingt-cinq heures d’interviews enregistrées par le journaliste de renom Michael Azerrad pour son livre Come As You Are : The Story of Nirvana, le film offre une nouvelle introduction sur l’une des plus intéressantes et des plus importantes figures culturelles de la fin du 20e siècle. Ces entretiens dont les enregistrements n’avaient jamais été diffusés, sont informels, teintés d’humour, sincères. Kurt Cobain y raconte sa vie – son enfance et son adolescence, la découverte de la musique, les effets de la renommée – et pose un regard éclairé sur sa vie, sa musique, son époque. Ils dressent un portrait extrêmement personnel d’un artiste souvent controversé, mais rarement compris.

A travers la narration de Kurt Cobain nous apparaît aussi le tableau d’une certaine période de l’histoire de l’Amérique, d’une génération d’individus qui a grandi au cœur des violentes crises sociales et culturelles des années 1970 et 1980. Parce que son histoire personnelle ressemblait à celle de la plupart de ses fans, et parce qu’il était animé d’une colère sincère, Kurt Cobain est devenu le porte-parole d’une génération malgré lui. Mais le film révèle aussi le caractère méditatif et introspectif d’un artiste dont la vie et l’œuvre furent profondément affectées par les bouleversements sociaux et culturels de son époque.

Le film n’est pas un documentaire sur Nirvana, le groupe dont il était le leader. Ce n’est pas non plus un documentaire au sens propre du terme. Il ne contient pas d’interviews de proches, de connaissances ou de critiques, pas de séquences d’archives, pas de morceaux de Nirvana, ni de bande sonore s’en inspirant. Pour réaliser ce film, le cinéaste A.J. Schnack a réuni des extraits des interviews de Michael Azerrad, ainsi que des images plus récentes des trois villes de l’état de Washington ayant joué un rôle majeur dans la vie de Kurt Cobain: Aberdeen, Olympia et Seattle. Entièrement tourné en pellicule 35mm, le film ravive le Nord-Ouest américain à travers des détails parlants : l’usine d’exploitation forestière où travaillait son père, les petits bars où les groupes locaux faisaient leurs premiers concerts, le ciel éternellement couvert…

Ces images, dont beaucoup ont été filmées dans les lieux clé de la vie de Kurt Cobain – sa maison, son appartement, son école, sa maison de disques, etc.– s’accompagnent d’une bande originale évocatrice signée du célèbre musicien et producteur du Nord-Ouest, Steve Fisk, qui a produit le maxi Blew de Nirvana, et du leader du groupe Death Cab for Cutie, Benjamin Gibbard, sans compter la musique de plus d’une vingtaine d’artistes ayant influencé ou fait vibrer Kurt Cobain tout au long de sa vie : les idoles de son enfance, comme Arlo Guthrie et Queen, les groupes punks tels que Bad Brains et Big Black, ses contemporains du label Sub Pop, Mudhoney et Mark Lanegan, et même les légendaires Iggy Pop, Half Japanese et R.E.M.

En collaboration étroite avec Michael Azerrad, Schnack et ses producteurs ont réuni des artistes de talent pour travailler sur ce projet, notamment le photographe Charles Peterson, dont les clichés de la scène musicale de Seattle font autorité dans les archives de l’époque.

Tous ces éléments – les propres mots de Kurt Cobain, les endroits qu’il a fréquentés et la musique qu’il a écoutée – contribuent à dresser le portrait d’un rocker indé fauché devenu une icône mondialement connue en moins d’un an.

Note d'intention du réalisateur

On a lu et entendu beaucoup de choses sur Kurt Cobain dans les années qui ont suivi sa mort.

Sa vie a été fortement embrumée par les rumeurs qui ont circulé sur son usage de drogues et son suicide, faisant même cas de diverses théories du complot. Cette mythologie a quasiment occulté sa véritable personnalité et les raisons de sa fulgurante ascension au stade de célébrité.

Je ne suis pas d’accord avec ceux qui ne voient en Kurt Cobain qu’un musicien. Je pense qu’il reste un des plus grands artistes de la fin du 20e siècle. C’est pourquoi je considère ce film, non seulement comme un regard posé sur sa vie, mais aussi une fenêtre ouverte sur son époque.

Pour commencer, Kurt Cobain fut le premier de sa génération (et de la mienne) à parler des grands bouleversements sociaux qui marquèrent les vingt-cinq dernières années du 20e siècle : la lente disparition des petites villes au profit du corporatisme, la tendance familiale au divorce, au second mariage, les mères qui partent travailler et les “enfants à la clé”, la prescription de la Ritaline, la peur de la guerre froide, une société de plus en plus violente, un regard nouveau sur le genre humain et la sexualité, les assauts de la presse à scandale… Il évoquait tous ces thèmes avec passion, rage, et n’en déplaise à ceux qui le réduisent à un toxicomane paumé, avec intelligence.

Le titre About A Son se fait l’écho de cette prise de conscience. Le film ne traite pas uniquement des relations de Kurt Cobain avec ses parents, ou de la famille qu’il n’a jamais eue. Il montre également ce que représentait une enfance vécue à Aberdeen, une enfance vécue dans ce pays, à une époque particulière de l’histoire de l’Amérique.

C’est cette personne dans toute sa complexité que j’ai découverte au travers des interviews de Michael Azerrad. Et pour leur faire honneur, j’ai voulu réaliser un film qui dévoilerait toutes les facettes de Kurt Cobain: son humour, sa colère, ses peurs, son empathie, sa tristesse, son amour, sa paranoïa et son regard perspicace sur le monde qui l’entourait. Je souhaitais offrir aux spectateurs l’opportunité de s’asseoir avec lui, de s’imprégner de sa présence. Je voulais que l’espace d’un moment, ils oublient que la conversation à laquelle ils assistent remonte à plus d’une décennie, et que la voix qu’ils entendent s’est désormais éteinte.

Je tenais à ce qu’il parle de lui-même, qu’il soit le principal narrateur de son histoire, sans commentaires extérieurs. Au cours des dix dernières années, nombre de films et de livres ont été basés sur des témoignages d’amis, de fans, de critiques et de collaborateurs, dans le but de donner un contexte à sa vie. Mais peu, voire aucun, n’avait jusqu’ici donné la parole à Kurt Cobain lui-même.

Je me suis laissé guider par ses mots pour déterminer les passages que je voulais utiliser. Michael Azerrad a été un proche collaborateur durant cette étape, et nous nous sommes rendus compte que nous étions tous deux désireux de mettre l’accent sur sa personnalité, plutôt que sur les détails de l’histoire de son groupe. Ses relations avec ses parents, son ami et membre du groupe, Chris Novoselic, et sa femme, Courtney Love, tenaient une place très importante dans son histoire. Quant à la valse des batteurs de Nirvana, l’enregistrement des albums, le tournage des clips… nous les avons mis de côté. Je suis sûr qu’un jour, quelqu’un réalisera un documentaire sur Nirvana, mais ce n’était pas mon intention. (D’ailleurs, le mot “Nirvana” n’est prononcé que tardivement dans le film, à l’Acte III.)

En ce qui concerne les images, je ne voulais surtout pas adhérer à une quelconque esthétique grunge – de même pour la réalisation et le montage. Je voulais une structure classique : trois actes, une ouverture et deux intermèdes, avec une composition d’images oniriques.

Pour moi, la notion de lieu est très importante, encore plus pour ce thème et ce film. C’est difficile de ne pas voir en Kurt Cobain la personnification des trois villes de l’état de Washington où il a vécu. Bien qu’Aberdeen ne soit qu’à une heure de route d’Olympia, elle- même située à une heure de Seattle, on ne peut trouver de villes plus différentes, que ce soit au niveau des habitants, de l’architecture, ou de la palette de couleurs les caractérisant : les gris tannés, les marrons et les verts des forêts d’Aberdeen, les tons pastel d’Olympia, les teintes plus vives, les gris métallisés et les noirs de Seattle.

En divisant le film en trois actes, nous avons profité de ces variations de couleurs en utilisant différents types de pellicules selon la ville, et en attribuant un genre à chacune d’elles : masculin pour Aberdeen, féminin pour Olympia, et l’association ou le conflit des deux pour Seattle. Bien que les changements ne soient pas flagrants, il y a une évolution dans la réalisation et le montage au fil des actes et des villes. Les compositeurs, Steve Fisk et Benjamin Gibbard, ont abordé la musique dans le même esprit : une sensibilité plutôt rock dans l’Acte I, des sonorités plus pop dans l’Acte II, et la rencontre des deux dans la conclusion.

Au-delà du fait que je souhaitais une musique quasiment omniprésente, je voulais choisir des chansons d’artistes qui l’avaient influencé, inspiré ou transporté, lui qui était connu pour soutenir ouvertement d’autres groupes et dresser des listes de ses favoris. Compiler tous ces artistes a été une des étapes les plus gratifiantes dans l’élaboration de ce film, car en créant cette sélection, j’ai l’impression d’avoir ouvert une autre fenêtre sur sa personnalité et sur la musique qu’il composait.

De la même manière, j’ai décidé de n’utiliser aucun élément d’archives, excepté quelques photographies de Charles Peterson, la plupart n’apparaissant que vers la fin du film. Ses photographies s’accordaient avec ma volonté de ne pas inscrire le film visuellement dans un lieu ou une époque donnée. Afin de limiter l’usage des archives de Charles, ce dernier était présent pendant le tournage, et tirait de nouveaux portraits dans chacune des villes.

Les images représentent essentiellement des endroits qui étaient importants pour Kurt Cobain.

La séquence accélérée du lever du soleil au-dessus du lac Washington a été filmée depuis la cuisine de son ancienne maison, là où la plupart des entretiens se sont déroulés. Nous avons également tourné dans sa maison d’enfance, à Aberdeen (qui a récemment été occupée par des squatteurs), ainsi que dans son appartement à Olympia où il vécut un certain temps. Nous avons filmé l’usine où son père travaillait, la YMCA où il fut maître nageur, les bars dans lesquels il a joué, et sa maison de disques. Pour certaines scènes, nous avons trouvé des personnes dont la situation reflétait la sienne à un moment donné : un élève marchant dans les couloirs du collège d’Aberdeen, un nettoyeur de cheminées dans un hôtel d’Ocean Shores, un groupe du label Sub Pop sur le point de percer… D’autres séquences sont en rapport avec des périodes de sa vie qui ne sont pas abordées dans les entretiens. Une équipe de lutte d’Aberdeen fait écho à sa petite expérience en tant que sportif, un homme vidant des corbeilles à Olympia nous rappelle qu’il continuait à travailler comme gardien de nuit quelques années avant de devenir une star mondiale.

D’autres images encore sont liées de manière indirecte à sa vie. Il s’agit notamment de la nouvelle bibliothèque municipale de Seattle que l’on voit à l’Acte III, lorsqu’il imagine ce que deviendra le monde dans dix ans, ou de collages réalisés par un jeune artiste de Seattle, qui n’était qu’un bébé à la mort du chanteur, mais dont le travail artistique est très proche de l’œuvre de Kurt Cobain.

Parmi les plans que je préfère figurent les portraits de passants croisés lors du tournage, des gens qui semblaient incarner les villes que nous filmions. Je suis convaincu qu’on peut ressentir un lieu rien qu’en regardant ces visages.

A la fin du film, Michael demande à Kurt Cobain si son histoire est “une histoire triste”. Je dirais même qu’elle est tragique en un sens, car elle illustre le pouvoir de la dépression et l’emprise que celle-ci peut avoir sur un individu. Mais j’espère qu’en écoutant son histoire, les gens le comprendront mieux, lui qui était, après tout, un homme comme les autres, un jeune homme (âgé de 25 ans dans la plupart de ces interviews) qui n’a jamais su trouver les clés du bonheur et de la joie de vivre. [/su_tab]

[su_tab title=”A propos des interviews de K. Cobain”]En août 1992, une semaine avant la naissance de Frances Bean Cobain, le magazine Vanity Fair publiait un portrait de Courtney Love rédigé par Lynn Hirschberg. L’article, intitulé “Etrange Amour”, a radicalement changé la vie de Kurt Cobain.

Tout d’abord, malgré de nombreuses inexactitudes (y compris l’insinuation que Courtney aurait incité Kurt à prendre de l’héroïne), l’article marqua le début des attaques des tabloïds qui persistent aujourd’hui encore. Ensuite, il semble que le Département des services de protection de l’enfance de Los Angeles aurait été influencé par l’article et sa description de l’usage de drogues du couple pour intenter une action en justice, retirant temporairement la garde de Frances Bean à ses parents.

Peu de temps après l’épisode du Vanity Fair, de nombreux articles furent publiés dans les tabloïds (un d’entre eux fit beaucoup de bruit avec ce titre : “Le bébé de la rock star est né junkie”). Et tandis qu’ils se démenaient pour récupérer la garde de leur fille, Kurt et Courtney redoutaient la sortie d’un nouveau livre écrit par deux auteurs anglais.

Décidés à raconter leur histoire eux-mêmes, Kurt et Courtney contactèrent le journaliste musical Michael Azerrad. Il avait dressé le portrait de Kurt pour le magazine Rolling Stone, dont la célèbre couverture montrait Kurt vêtu d’un tee-shirt fait main portant l’inscription suivante : “Corporate Magazines still suck” (La presse commerciale est quand même merdique). Ils demandèrent à Michael s’il serait partant pour écrire un livre sur Nirvana, lui promettant d’être sincères au sujet de leurs vies, y compris de leur consommation de drogues – ils avaient déjà avancé plusieurs versions, souvent mensongères, à d’autres journalistes – à condition qu’il transcrive leur histoire avec exactitude et objectivité. Michael accepta après qu’ils aient consenti à ce que le groupe et ses associés n’aient aucun droit de regard sur le livre, qu’il puisse écrire ce qu’il veut et interroger qui il veut, et qu’il détienne tous les droits sur le livre et les recherches.

Les interviews débutèrent le 23 décembre 1992 par une conversation relativement brève avec Kurt, à l’hôtel Inn at the Market, où lui-même, Courtney et Frances séjournaient temporairement. Les interviews suivantes se déroulèrent les 8, 9 et 11 février, les 5, 7, 25 et 31 mars 1993, dans la maison de Kurt située au bord du lac Washington (ce n’est pas là qu’il est décédé), le plus souvent à la table de la cuisine. Elles commençaient en général tard dans la nuit, et se terminaient à l’aube. La première interview était sous forme de questions- réponses, avec en fond sonore une radio rock, des films de série B et des débats télévisés (la radio et la télévision étaient allumées en permanence chez Kurt). Mais dès la seconde rencontre, l’entretien avait pris le ton d’une discussion détendue entre amis. Les deux dernières interviews se passèrent au téléphone. Au total, il y eut plus de vingt-cinq heures d’enregistrements.

Tout au long de cette période, Kurt était régulièrement soumis à des tests de dépistage anti- drogue par le Département des services de protection de l’enfance. Le 23 mars 1993, un juge prit une décision en faveur du couple, déclarant que ni l’un ni l’autre ne devait plus subir de tests de dépistage anti-drogue. Le 2 mai, Kurt fit une overdose d’héroïne dans la maison où les entretiens avaient eu lieu. Le livre de Michael, Come As You Are : The Story of Nirvana, fut publié le 1er septembre 1993, six mois avant la mort de Kurt. Ce dernier en parlait en ces termes : “le meilleur livre sur le rock que j’aie jamais lu.”

Interview du réalisateur

Comment avez-vous découvert les interviews audio ?
J’ai rencontré Michael Azerrad il y a quelques années, lorsque je réalisais mon premier film, Gigantic (A Tale of Two Johns), sur le groupe de pop alternative new-yorkais, They Might Be Giants. A cette époque, Michael écrivait un article sur ce groupe pour The New Yorker, et j’ai fini par l’interviewer pour le film.
Quelque temps plus tard, nous nous sommes retrouvés lors d’un dîner à New York. Au cours de la discussion, je l’ai interrogé sur sa rencontre avec Kurt Cobain, et il m’a avoué qu’il avait en sa possession vingt-cinq heures d’enregistrements audio que personne n’avait jamais entendus, et que lui-même n’avait pas eu le courage d’écouter depuis la mort de Kurt. Ayant lu les livres que Michael avait écrits, je savais que ces interviews étaient les plus complètes et les plus intimes que Kurt ait jamais données. Je considérais ces entretiens comme un document culturel majeur, et donc, après quelques mois de réflexion, j’ai parlé à Michael de ma volonté de faire un film.

Vous n’aviez donc jamais pensé à faire un film sur Kurt Cobain avant d’apprendre l’existence de ces enregistrements ?
Non. Et je ne pense pas que j’en aurais fait un sans ces enregistrements. Pour moi, ils étaient essentiels. Ils m’offraient l’opportunité de réaliser un film qui me tenait à cœur, un film très photographique, sur la notion de lieu, avec des nappes de sons. En outre, c’était l’occasion de redécouvrir Kurt.

Vous n’avez jamais eu l’intention d’inclure d’autres interviews ou d’utiliser des séquences d’archives ?
Je savais dès le début que les seules sources que j’utiliserais seraient les photographies de Charles Peterson. D’abord, parce qu’elles sont la marque de la période en question. Mais avant tout, je tenais à les inclure car les photographies de concerts de Charles captent parfaitement le mouvement en plus de l’identité. Il arrive souvent que le visage de l’artiste soit masqué par ses cheveux ou par le jeu de lumières, et je savais que je pouvais introduire Kurt sans révéler son visage, c’était un choix délibéré.

Pourquoi ne vouliez-vous pas montrer son visage ?
Parce qu’aujourd’hui, l’image de Kurt est complètement brouillée par son statut d’icône, et une fin de vie assombrie par sa consommation de drogues, une veuve controversée et les théories du complot sur sa mort. J’estimais qu’il était pratiquement impossible pour nous d’avoir une approche objective de l’homme sans le dissocier de ce lourd vécu. Nous devions priver les spectateurs des références habituelles, notamment des photographies de Kurt, afin qu’ils posent sur lui un regard neuf. Ce que je leur souhaite, c’est qu’en voyant son visage à la fin du film, ils aient l’impression de le voir pour la première fois. Que le fait de l’entendre parler de sa vie, de voir le monde tel qu’il le voyait, d’écouter la musique qu’il écoutait, leur donne le sentiment de connaître un peu mieux cet homme ordinaire, avec ses rêves et ses démons, plutôt que cette tragique caricature qu’il était devenu malgré lui.

A propos des choix musicaux, certains insinuent qu’il n’y a aucun morceau de Nirvana dans le film, soit pour une question de budget, soit parce qu’une personne (en l’occurrence, Courtney Love) ne vous en aurait pas donné l’autorisation.
La plupart des gens s’attendent à ce que le biopic d’un musicien contienne les morceaux composés par ce musicien. Mais aussi fou et désintéressé que cela puisse paraître, la décision de ne pas utiliser la musique de Nirvana, comme celle de ne pas montrer le visage de Kurt avant la fin du film, me revient. En réalité, j’avais envisagé de passer un morceau de Nirvana à la toute fin, lorsqu’on voit apparaître le visage de Kurt, mais le moment venu, je me suis rendu compte de mon erreur. D’une part, une chanson de Nirvana ne pouvait, à elle seule, résumer la vie de cet homme. D’autre part, c’était insuffler un sentiment de toute-puissance et de triomphe à un moment de deuil. J’ai tenté l’expérience avec plusieurs morceaux, mais aucun n’était probant. Puis, j’ai essayé avec la musique composée par Benjamin Gibbard et Steve Fisk : elle était en parfaite harmonie avec le sentiment de solitude.

Quelle a été la réaction de Courtney Love ? Elle s’était publiquement opposée à de précédents documentaires sur Kurt Cobain.
Oui, surtout ceux qui l’accusaient d’avoir assassiné Kurt, et d’avoir utilisé ses chansons sans autorisation.

Elle n’a pas essayé d’empêcher la réalisation du film ?
Michael détenait tous les droits sur les enregistrements. Mais nous tenions à la tenir informée, ainsi que son manager, de ce que nous faisions. En fait, ils nous ont énormément aidés en faisant savoir à d’autres maisons de disques qu’ils ne s’opposaient pas au film. Sans leur soutien, nous n’aurions jamais pu créer cette incroyable bande originale.

Avez-vous, dès le début, pensé à intégrer des artistes qui avaient influencé ou inspiré Kurt ?
C’est une des premières choses dont j’aie parlé à Michael, et il était très enthousiaste. D’une certaine manière, Kurt aurait été d’accord avec cette approche, car il avait l’habitude de parler des groupes qui l’avaient influencé, ou de ceux qu’il appréciait. Il y a cette fameuse anecdote où il portait un tee-shirt de Daniel Johnston lors d’une séance photos, et quelque temps plus tard, les plus gros labels s’intéressaient à cet artiste. On peut aussi considérer que la plus grande contribution de Kurt à la musique était cette faculté d’absorber les différents styles musicaux qu’il écoutait – du punk à la new wave, du rock de stade à la pop d’Olympia – pour créer son propre univers.

Comment avez-vous choisi les groupes et les chansons ?
Ce fut une des étapes les plus intéressantes du film. J’avais des piles de CD des artistes préférés de Kurt, il ne me restait plus qu’à remplir le puzzle. Il fallait à chaque fois trouver la chanson qui, non seulement symbolisait une période précise de la vie de Kurt, mais dont la teneur thématique était appropriée au moment en question. Ecouter l’album de Queen, News of the World, que j’ai dû entendre une centaine de fois étant enfant, découvrir subitement la beauté du morceau It’s Late, et réaliser qu’il se marierait parfaitement avec les scènes de la scierie où travaillait le père de Kurt, c’était vraiment un grand moment.

J’ai une question par rapport à cette scierie et aux lieux en général. Combien, parmi ceux que l’on voit dans le film, ont un lien direct avec Kurt et les endroits qui ont marqué sa vie ?
Quasiment tous. Même ceux qui ne renvoient pas à un thème précis de la vie de Kurt ont une signification. J’ai voulu que la notion de lieu soit au cœur du film. Je suis persuadé que l’on peut comprendre la personnalité de Kurt en voyant les endroits qu’il a vus, comme si on se projetait à sa place. Il a tellement été influencé par le contexte dans lequel il a grandi, qu’il soit géographique, historique, ou social. Ses expériences ont également forgé sa personnalité : ses relations familiales, son cadre de vie, ainsi que la musique qu’il écoutait. C’est la raison pour laquelle j’aime dire du film qu’il donne à voir le monde à travers les yeux de Kurt et à l’entendre à travers ses oreilles.

C’est ce qui vous a poussé à vous intéresser à Kurt et à son histoire ?
Certainement. Mais c’était aussi par souci de rétablir la vérité par rapport à tout ce qui avait été dit sur lui.
J’aime rappeler aux gens qui ont vu le film que dans la plupart de ces entretiens, Kurt n’avait que 25 ans. Pour beaucoup, il était cet homme extatique qui s’exprimait en marmonnant, mais il était surtout doté d’une grande intelligence et d’un point de vue très affirmé. Même quand il se leurre, ou qu’il tente de leurrer son interlocuteur sur sa consommation de drogues, il tient un plaidoyer clair et rigoureux.
Mais ce qui ressort le plus du film, et qui m’a le plus surpris d’ailleurs, c’est qu’il s’agit réellement de l’histoire d’un dépressif. Je pense que Kurt souffrait d’une grave dépression non soignée qui, selon moi, se révélait à chaque nouvelle aspiration : “Si seulement j’avais un groupe… Si seulement j’avais une petite amie… Si seulement j’avais une famille…” Et bien que ses vœux se soient tous vus exaucés, il était en quête perpétuelle du bonheur. On parle beaucoup de sa consommation de drogues et des ses maux d’estomac qui auraient, semble-t-il, précipité sa mort, mais cette dépression profonde a probablement été déterminante dans son suicide.

Biographie de K. Cobain

20 février 1967
Naissance de Kurt Cobain à Aberdeen, état de Washington.

1975
Divorce des parents de Kurt Cobain.

Eté 1981
Kurt Cobain rencontre Buzz Osborne, chanteur du groupe Les Melvins

Eté 1984
Buzz fait une compilation pour Kurt Cobain et lui fait découvrir le punk rock.

Printemps 1985
Kurt Cobain quitte le lycée juste avant la remise des diplômes, mais finit par y retourner travailler comme employé de ménage. Entretemps, devenu sans domicile fixe à Aberdeen après s’être fait mettre à la porte de chez lui, il squatte en alternance les canapés de ses amis.

Décembre 1985
Kurt Cobain enregistre une maquette de son groupe Fecal Matter avec son ami Dale Crover des Melvins. Un autre type d’Aberdeen, Chris Novoselic, entend cette cassette plus tard et demande à Kurt si il veut monter un groupe. Ils se nomment The Sellouts et font des reprises du Creedence Clearwater Revival.

Décembre 1986
Kurt emmenage dans une maison d’Aberdeen avec son ami Matt Lukin. C’est là que le groupe qui deviendra Nirvana fait ses premières répétitions. Ils font leur premier concert lors d’une fête .

Automne 1987
Kurt s’installe avec sa nouvelle petite amie Tracey Marander dans l’appartement de celle-ci à Olympia.

Hiver 1988
Kurt est gardien à Olympia , il nettoie des bureaux la nuit.

Janvier 1988
Kurt, Chris et Dale enregistre une nouvelle maquette avec le producteur Jack Endino. Cette maquette les conduit au label indépendant de Seattle Sub Pop, alors en pleine émergence.

Prinntemps 1988
Nirvana commence à jouer à Seattle.

Eté 1988
Le photographe de Sub Pop, Charles Peterson, prend ses premières photos du groupe.

11 juin 1989
Nirvana sort son premier album Bleach chez Sub Pop.

22 juin 1989
Nirvana entame sa première tournée américaine.

Août 1989
Nirvana enregistre son premier EP, Blew, avec le producteur Steve Fisk.

20 octobre 1989
Nirvana entame sa première tournée européenne.

1990
Au cours d’une année de tournée, de gros labels commencent à entendre parler de Nirvana et à courtiser le groupe.

25 septembre 1990
Dave Grohl rejoint Nirvana comme batteur.

Hiver 1990
Dave s’installe chez Kurt à Olympia.

30 avril 1991
Nirvana signe chez Geffen/DGC.

Mai 1991
Le groupe enregistre son second album, Nevermind, à Los Angeles.
Kurt commence à fréquenter Courtney Love qu’il a rencontré deux ans plus tôt lors d’un concert à Portland.

24 septembre 1991
Sortie de Nevermind.

4 janvier 1992
Nevermind est n°1 des ventes d’album.

Hiver 1992
Kurt et Courtney déménagent à Los Angeles.
24 février 1992
Kurt et Courtney se marrient à Hawaï.

16 avril 1992
Parution de l’article ”Inside the hearth and mind of Nirvana” de Michael Azerrad dans Rolling Stone, dont la célèbre couverture montrait Kurt vêtu d’un tee-shirt personnalisé portant l’inscription suivante : “Corporate Magazines still suck”.

18 août 1992
Naissance de Frances Bean Cobain.

Automne 1992
Kurt et Courtney contactent Michael Azerrad et lui demandent s’il serait d’accord pour écrire la biographie du groupe. Azerrad accepte à condition de garder le contrôle total du manuscrit. Kurt accepte.

23 décembre 1992
Michael Azerrad fait sa première interview de Kurt dans un hotel de Seattle où Kurt et Coutney se sont installés temporairement.

14 février 1993
Nirvana commence l’enregistrement de In Utero à Minneapolis avec Steve Albini.

31 mars 1993
Michael Azerrad fait sa dernière interview de Kurt, par téléphone.

1 septembre 1993
Come as you are: L’Histoire de Nirvana de Michael Azerrad est publié par Doubleday Books.

9 octobre 1993
Sortie de In Utero, classé directement n°1.

18 octobre 1993
Nirvana démarre une tournée américaine.

18 novembre 1993
Nirvana joue à MTV Unplugged.

1 mars 1994
Dernier concert de Nirvana à Munich, en Allemagne

4 mars 1994
Kurt fait une overdose après avoir absorbé des médicaments et du champagne à Rome et tombe temporairement dans le coma.

5 avril 1994
Kurt se suicide chez lui à Seattle.

Musiques du film

Acte 1–ABERDEEN
ArloGuthrie, “The Motorcycle Song”
Queen, “It’s Late”
CheapTrick, “Downed”
TheMelvins, “EyeFlys”
MDC, “My Family is a Little Weird”
BadBrains, “Banned in D.C.”
CreedenceClearwaterRevival, “Up Around the Bend”
BigBlack, “Kerosene”

Act 2–OLYMPIA
Half Japanese, “Put Some Sugar On It”
TheVaselines, “Son of a Gun”
YoungMarbleGiants, “Include Me Out”
ButtholeSurfers, “Graveyard”
ScratchAcid, “Owner’s Lament”
Mudhoney, “Touch Me I’m Sick”
Breeders, “Iris”
IggyPop, “The Passenger”

Act 3–SEATTLE
TeenageFanclub, “Star Sign”
Leadbelly, “The Bourgeois Blues”
R.E.M., “New Orleans Instrumental No. 1”
David Bowie, “The Man Who Sold the World”
Mark Lanegan, “Museum”

Avec les participations de:
Pasties, “Round Two”
Bandof Horses, “Great Salt Lake”

Musique originale composée et jouée par:
Steve Fisk et Benjamin Gibbard