Les Habitants

Un film de Alex van Warmedam

De Noorderlingen- Hollande -1992 - couleur - 105 minutes. VO hollandaise, sous-titres français.

Sortie en salles : 26 décembre 2012

Affiche -

4,00 10,00 

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Affiche L 40 x H 60 ou L 120 x H 160

DVD du film -

14,00 

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Réédition, en novembre 2013, du film jusqu'à présent uniquement disponible en coffret avec "Abel".
Version restaurée à l'occasion du 20ème anniversaire du film.

Les histoires drôles de drôles d’habitants dans une drôle de rue d’un drôle de lotissement dont la vie oscille entre le sexe et la foi.

Une femme qui sur les conseils d’une statue de Saint François se prive de nourriture pour plaire au Seigneur. Un enfant qui fasciné par la guerre civile au Congo se déguise en Noir et se fait appeler Lumumba. Un facteur des plus indiscrets, un garde chasse myope et stérile, un boucher à l’appétit sexuel débordant qui ne manque pas d’imagination pour capturer ses proies. Voici quelques éléments d’une comédie des plus insolites sur la vie des habitants d’un lotissement perdu, dans le nord de l’Europe.

Les Habitants

La presse

‘C’est l’histoire d’un boucher, de sa femme amoureuse de Saint François et de leur fils qui se prend pour Lumumba. Alex van Warmerdam, le réalisateur, prétend que son ovni est un film réaliste. Et nous que c’est une révélation. Un film a-hu-ri-ssant. Drôle, insolite, dingue, hyperréaliste. Notre coup de coeur.’ (Le Nouvel Observateur)

‘Tout l’art de van Warmerdam est précisement de se situer au croisement d’influences tellement diverses que chacun peut y trouver ce qu’il veut. Les Habitants est un film qui se situe «entre»: entre l’absurde et le réalisme, entre le no man’s land inventé et le pays identifié. Entre l’angoisse et le rire.’ (Télérama)

‘Un décor qui évoque parfois, dans sa linéarité poétique, Mondrian, mais aussi Magritte, avec ses échappées proprement surréalistes dans un scénario qui part pourtant comme un récit hyper-réaliste.’ (Les Échos)

‘Il y a, c’est certain, une forme très spécifique d’humour néerlandais, à mi-chemin entre l’absurde et l’insolite, disons pour simplifier entre Magritte et Jarry.’ (Elle)

‘Une utilisation très originale de l’espace (les décors sont à la fois bizarres et réalistes), un découpage très rigoureux (chaque plan est minutieusement story-bordé) et une écriture d’une cohérence achevée.’ (Première)

‘Un film radicalement nouveau… Une perle rare.’ (Nova)

Entretien avec Alex van Warmerdam

Entretien entre Alex van Warmerdam et Phil van Tongeren paru dans ‘Oor’

Dans ‘Abel’, mon moteur n’était pas le contenu. Je voulais trouver un ton. Pour être franc: jusqu’à il y a dix ans, tous les films néerlandais étaient des horreurs. Quelle que soit la façon dont ils étaient écrits et prononcés, les dialogues étaient trop lourds. En général, l’excuse était que le néerlandais ne se prêtait pas au cinéma. Tout comme on entend souvent dire que les musiciens pop ne doivent pas chanter en néerlandais. C’est stupide, bien sûr. On peut utiliser toutes les langues à n’importe quelle fin, il suffit de le faire avec soin. Dans ‘Les Habitants’, j’avais un contenu comme moteur. Je voulais vraiment raconter quelque chose sur la panne entre hommes et femmes sur le plan sexuel, et les conséquences possibles de cette panne. De nos jours, on fait appel à un travailleur social, les gens se réunissent en petits groupes de discussion, ce qui n’existait pas du tout en 1960. Cela se mettait à suppurer, le mariage échouait mais les conjoints restaient ensemble. Cette période est donc un très bon alibi pour raconter une histoire aussi décortiquée que possible.

J’ai eu l’impression de voir les personnages comme pris dans une toile de Mondrian.

Je prends cela pour un compliment. Cette rue a effectivement quelque chose de ‘mondrianien’, comme la répartition des surfaces entre les fenêtres. Disons que le film a eu Mondrian pour dramaturge…

Vous aviez vous-même sept ou huit ans en 1960. Est-ce un peu ainsi dont vous vous rappelez cette époque?
J’ai effectivement habité dans cette sorte de rue, la première d’un quartier neuf.

Le personnage de Dikke Willie est tout à fait reconnaissable, me semble-t-il. C’est la petite peste toujours à l’affût, prêt à empoisonner la vie de ses petits voisins.
J’avais bien un ami gros, mais je n’ai connu personne tel que Dikke Willie. Je n’étais pas non plus du genre à être terrorisé. Pour cela, il faut avoir un peu un côté victime.

Il y a peut-être un peu de vous dans le personnage de Thomas?
Non, Thomas est presque un personnage abstrait. La clé du film, celui au travers des yeux duquel nous voyons. En fait, je ne saurais pas dire ce qui se passe au fond de lui…

Il est coincé, d’une part entre la poussivité de la rue et, d’autre part, le Noir et la fille, qui l’initie plus ou moins à l’amour. C’est le bourgeois hollandais mesquin contre l’homme primitif, libre…

Si vous le dites… C’est ce que vous voyez.

C’est tout? J’ai justement l’impression que les per sonnages ne sont pas là pour rien, qu’ils symboli sent autre chose. Les habitants de cette rue avec leurs frustrations contenues, face à ce Noir, qui semble incarner tout le contraire.
Ah oui? Je ne l’avais encore jamais vu de cette façon.

Je n’en crois rien. Ces personnages ont bien une fonction. Ce Noir ne tombe quand même pas du ciel?

Je ne fais qu’imaginer des choses que j’aimerais bien voir.

Quand le Noir s’échappe de la cage, je fais immédiatement le lien avec un demandeur d’asile qui s’enfuit. C’est peut-être chercher un peu loin, mais malgré tout…

L’actualité, cela ne me dit rien du tout. Quand j’habitais à Ijmuiden, j’ai vu pour la première fois un Noir dans la rue, cela a été une sensation énorme. Cette première impression, je voulais simplement l’utiliser. Vous savez, je suis parti d’un synopsis de quinze pages et au bout d’un mois, j’avais un scénario de cent cinquante pages. En le passant en revue, je me suis rendu compte que je n’avais avancé que de deux pages par rapport au synopsis. Si j’avais continué ainsi, je me serais retrouvé avec un film de dix-huit heures. Un récit avec un millier de ramifications. Alors, j’ai fait intervenir Aat Ceelen et ensemble, nous l’avons ramené à la structure du film d’aujourd’hui, à peu de choses près. En réalité, ce film n’est que la partie émergée de l’iceberg. Donc, quand je me mets à tourner, il s’est déjà passé tant de choses que je n’arrive plus à interpréter. Je ne suis pas comme Hitchcock qui avait tout en tête. Je suis tout le temps en train de contrôler si tout ce que je tourne correspond bien au scénario et au story-board, alors il n’est pas question que je réfléchisse aussi au contenu. Pendant les rushes, aux différents stades, cela se produit bien un peu. La dernière fois, j’ai pensé: c’est tout simplement un film ‘primitif’, un film sur l’espèce humaine.

“Les Habitants” est un film assez différent de ce que l’on voit généralement au cinéma, pour ce qui est de la forme.
C’est exact. Lorsque je déjeune chez First Floor Features (qui a produit ‘Abel’ et ‘Les Habitants’) je suis étonné d’entendre quelqu’un comme Mike van Diem (lauréat d’un Oscar d’étudiant pour son court-métrage ‘Alaska’) raconter qu’il est allé voir plusieurs fois ‘Terminator 2’ parce qu’il est admiratif devant les mouvements de caméra et qu’il veut percer le secret.

Mais chez vous la technique arrive en deuxième position?
Non, bien au contraire. Elle joue un rôle de premier plan, bien que je cherche en fait à obtenir l’effet inverse. Je ne suis pas spécialement impressionné par l’utilisation de grues et par les plans compliqués en général, je le suis par les choses les plus simples. C’est là que j’essaie de trouver ma forme. Avec Marc Felperlaan, mon cameraman, j’ai travaillé neuf mois sur le story-board, ce qui se remarque très peu dans le film. On dirait que la caméra a été posée, et hop, on tourne. Mais avant cela on en a parlé très longtemps.
J’ai l’impression de voir avec ‘Les Habitants’, le cousin un peu méchant de Bert Haanstra au travail.
Bert Haanstra est l’un de mes réalisateurs préférés; en fait, c’est le seul réalisateur néerlandais d’envergure, il a élaboré un langage cinématographique entièrement propre. Un vrai langage hollandais.

Justement, à ce propos, j’ai l’impression que vous êtes le type même du réalisateur qui ne pourrait jamais se plaire dans un autre pays. Je ne vois pas Alex van Warmerdam suivre les traces de Paul Verhœven.
Pour rien au monde! Ce serait une punition. Je suis naturellement déjà allé à Hollywood, c’était très excitant. Mais si demain on m’appelait pour me proposer de venir y tourner un film, je répondrais que je préfère encore passer deux mois dans les cages à lapins de Bijlmer. Il est vrai que mon frère et mon amie me disent souvent: ‘’Fais donc un western. ’’Nous avons passé trois mois en Espagne et nous sommes allés voir l’endroit où a été tourné ‘Le Bon, la brute et le truand’, et bien d’autres westerns spaghetti, Little Hollywood. C’est vraiment grandiose. Cent pour cent américain, alors qu’on est en Espagne. Des montagnes arides, des déserts…

Alors Alex van Warmerdam pourrait ranimer le western?
Pourquoi pas. Ce serait bien sûr l’histoire d’un hollandais dans l’Ouest sauvage.

Une question qu’on vous posera sans doute souvent: Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de faire un deuxième film? Aviez-vous peur de ne pas pouvoir égaler le succés d’’Abel’, vouliez-vous revenir au théâtre?
Ce n’était pas une question de peur ni de retour à la scène. On ne peut pas parler de retour au théâtre parce que j’y suis déjà. Après le premier film je brûlais d’impatience de faire un spectacle. Il me faut beaucoup de temps pour faire un script. Ce n’est pas comme adapter un livre, il faut partir de zéro. Mon travail n’a fait que suivre son chemin et il se trouve qu’il ne s’est pas exprimé dans un film mais dans une pièce. Je suis un travailleur lent. Je fais un spectacle tous les deux ans. C’est la seule façon de maintenir la qualité. Depuis ‘Abel’ j’ai fait trois spectacles, j’ai écrit un livre et entre temps j’ai consacré trois ans à l’écriture de ce script. Les gens ont beau dire ‘’Il faut que tu fasses quelque chose sinon on va t’oublier’’, je ne peux pas m’empêcher de penser que cela ne rime à rien. D’un autre côté, ce serait bien s’il ne s’écoulait que quatre ans entre ce film et le prochain, au lieu de six.

(traduit du hollandais par Isabelle Longuet)

Biographie d'Alex van Warmerdam

Alex van Warmerdam est né le 14 août 1952. Il entre en 1969 à la Gerrit Rietveld Academy (école d’art) d’où il sort diplômé en graphisme et peinture en 1974.

Il est en 1973 l’un des fondateurs de la troupe Hauser Orkater. ‘Orkater’ est un mot inventé par les frères Hauser, membres de la troupe, contraction de deux mots néerlandais signifiant ‘orchestre’ et ‘théâtre’. Alex van Warmerdam travaille sur les deux premières créations, ‘En quête d’aventure’ (‘Op Avontuur’) en 1974 et ‘Artistes célèbres’ en 1976, comme décorateur et directeur artistique.

C’est ‘La Bosse’ (‘Het VermÅ“den’,1977) qui révèle la troupe en France au Sigma de Bordeaux en 1978. Ils font ensuite avec ‘Regardez les hommes tomber’ (‘Zie de Mannen vallen’, 1979), acclamé dans le monde entier et sacré en 1980 meilleur spectacle étranger à Paris, une tournée d’un mois et demi en France puis des représentations au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis et au Théâtre National de Chaillot. La contribution d’Alex van Warmerdam à ces spectacles musicaux porte surtout sur l’écriture et la décoration, ainsi que sur le concept général.

«Les Hauser Orkater sont musiciens, comédiens, acrobates, chanteurs, danseurs, graphistes, clowns. Ils assemblent régulièrement des histoires sans queue ni tête, qui finissent par tracer le chemin d’un voyage loufoque, d’une virée dans l’inconnu.» (dans ‘Scène Saint-Denis’ n° 28). Appréciés pour l’originalité de leur humour, ces spectacles louftingues dans lesquels se glissent imaginaire, surréalisme et extraordinaire, mêlent avec bonheur les influences les plus diverses: Keaton, Kafka, Beckett, Magritte, Carrol…

Il a également été durant cette période l’initiateur de deux films réalisés par Frans Weisz: ‘Entrée Bruxelles’ (1978), adaptation d’un spectacle de Hauser Orkater, et ‘Striptease’ (1979).

Hauser Orkater éclate. Alex van Warmerdam fonde alors en 1980 Le Chien Mexicain et met en scène, dans un esprit proche de Hauser Orkater, ‘Frères’ en 1981, ‘Granit’ en 1982, ‘La Loi de Luisman’ en 1984 et ‘La Sainte Trinité’ en 1986, qui recueilleront le même enthousiasme de la critique et des publics internationaux.

S’intéressant ensuite au cinéma, il réalise un court-métrage en 1984, ‘De Stedeling’ (‘Le Citadin’), puis ‘Abel’ en 1985 et ‘De Noorderlingen’ (‘Les Habitants’) en 1992, tout en continuant à monter des spectacles. Il a aussi écrit un livre, ‘De Hand van een Vreemde’ (‘La Main d’un étranger’).

Son troisième film, ‘La Robe’, a reçu au Festival de Venise 1996 le prix de la Critique Internationale. Sa dernière création théâtrale ‘Little Tony’ (‘Kleine Teun’) a été montrée pour la première fois en septembre 1996. Alex van Warmerdam travaille actuellement à son adaptation pour le cinéma.